Voilà une excellente idée qu'a eu Franck La Pinta fin juin : proposer à 27 experts de disséquer les mots et expressions RH tellement utilisés à tord et à travers qu'ils s'en retrouvent totalement vides de sens ou du moins très éloignés de leur signification première.
J'y ai moi-même participé avec plaisir et délectation en "massacrant" le concept de "Guerre des Talents".
Bonne lecture et n'oubliez pas de lire le "mot de la fin" de notre ami Thomas Chardin qui s'est amusé à reprendre tous nos mots de trop pour en faire une étonnante compilation, joli exercice de style !
« Les Ressources Humaines, comme le marketing, la communication ou les médias, semblent aujourd’hui être atteintes d’une terrible maladie : la jargonnite, dont les symptômes se traduisent par des termes, mots et expressions, d’autant plus utilisés qu’ils en perdent de leur sens. En effet, à force d’être répétés, détournés, déformés, recyclés, ils nous deviennent insupportables, ne veulent plus rien dire, et comble de tout, semblent souvent là pour compenser une absence de fond, surtout quand ils ont traversé l’Atlantique via un “copier / collé” sans intelligence ni réflexion. Comme nous ne sommes jamais les derniers pour nous amuser un peu, nous nous sommes réunis pour proposer une petite sélection de ces pépites. Mais ce qui a guidé cette démarche, c’est surtout la volonté de défendre une approche des RH qui soit concrète, honnête, utile, pragmatique, et de démontrer que les RH n’ont pas besoin de ces artifices pour être légitimes.
« Travailler en mode projet »
Innovation censée favoriser la transversalité au sein d’une organisation pour mener à bien, rapidement et efficacement un projet donné. Au final, beaucoup de
réunions, de temps passé à rédiger des comptes rendus et points d’avancement, à faire des présentations powerpoint et à gérer les relations au sein d’un groupe sur lequel vous n’avez pas
d’autorité hiérarchique directe…
Benoît Anger, Directeur Marketing et Relations Entreprises, Ecole de Management de Normandie
« La Guerre des Talents »
Les Entreprises se trompent de Graal ! Qu’elles recherchent les meilleurs
candidats ou qu’elles se livrent une véritable “guerre” pour attirer les talents, peu importe la terminologie, le constat est le même : les entreprises privilégient trop souvent le pedigree du
candidat (diplômes, expérience professionnelle, …) à la réelle adéquation à leur culture, leurs valeurs, l’ambiance au travail, le style de management, bref leur ADN. Et puis ces fameux
“Talents”, ils vont forcément avoir des exigences auxquelles l’Entreprise ne pourra pas répondre ou qu’elle va essayer de satisfaire coute que coute au risque de se fourvoyer et d’y perdre son
âme ! Enfin, je trouve qu’on a tendance à qualifier un peu vite un individu de “Talent”. Un véritable Talent, c’est rarissime ! Vous en connaissez beaucoup ? Moi, je les compte sur les doigts
d’une main ! Les Entreprises devraient donc arrêter de se battre pour les mêmes talents que les autres et chercher les bonnes personnes pour composer la meilleure équipe et non une aggrégation
d’individualités clonées !
Jean-Christophe Anna, Directeur Associé de Link Humans, Conseil en stratégie de recrutement innovant
« Remettre l’humain au coeur de l’entreprise »
Absolument géniale comme idée ! Ah mais il était où
cet humain avant ? A la périphérie voire même outsourcé ? C’est un peu comme pour le sport : vouloir remettre les joueurs de foot au milieu du terrain, remarquez on en aurait besoin ! D’un point
de vue positif cela signifie que l’entreprise traduit ainsi la révélation que “rien de ce qui est humain ne lui est étranger” d’un point de vue plus cynique cela en dit long sur la dérive vers
l’instrumentalisation de la RH, avec une vision de l’individu comme d’une variable d’ajustement, à laquelle nous étions parvenus. L’humain reste la clef de la performance de l’entreprise par sa
motivation, son engagement, la qualité de son travail. Remettre l’humain au coeur de l’entreprise c’est remettre la performance sociale au niveau de la performance économique pour le succès d’une
entreprise.
Vincent Berthelot, Responsable projet sociaux RH, conseiller/enseignant en web social
« Des candidats qui partagent nos valeurs »
Cette référence aux valeurs comme critère majeur du
recrutement m’agace énormément, pour trois raisons :
1/ C’est de la langue de bois : Je pense que les candidats sont généralement prêts à déclarer qu’ils partagent les valeurs affichées de l’entreprise; elles ne sont, le plus souvent pas difficiles
à partager dans le discours. On néglige ainsi d’ailleurs les valeurs inspirées par des origines socio-culturelles différentes mais qui aurait leur intérêt elles aussi.
2/ C’est une illusion qui peut coûter cher aux candidats :Ce sont évidement d’abord les éléments concrets du passé professionnel ou académique des candidats qui sont regardés. La communauté de
valeurs ne sera recherchée qu’auprès des finalistes.
3/ C’est une façon de se défausser : Les valeurs sont des données peu probantes, peu discriminantes, peu prédictives, mais sur lesquelles on construit un discours flatteur. Dans le réel,
c’est le passé du candidat qui inspire la prédiction sur son succès. Y compris ses origines socio-culturelles.
Jean-Marie Blanc, Directeur de l’Institut Apec du Conseil, Apec.
« Recrutement 2.0″
Aucune définition du 2.0 dans le recrutement ne convient et ne réussit à vraiment
présenter les changements. Le recrutement 2.0 devient tour à tour recrutement 3.0 puis même recrutement 4.0…bref c’est l’escalade numérique. Mais ce terme “recrutement 2.0” devient vite obsolète
au rythme des changements et des nouvelles modes. Recrutement social? Recrutement innovant? La meilleure définition est celle qui ne collera pas aux outils mais qui collera aux mentalités et à la
philosophie. Il est temps de lâcher le 2.0 pour adopter une définition durable non dépendante des effets de modes.
Laurent Brouat, Directeur Associé de Link Humans, Conseil en stratégie de recrutement innovant
« Génération Y »
Voilà un mot qui a fait vivre plus d’un consultant ces dernières années, coincé
entre l’exploitation des concepts d’e-réputation et de marque employeur. Non pas que ces derniers soient inutiles dans le fond : l’un comme l’autre attirent simplement une population d’”experts”
(pas forcément compétents), qui n’en ont souvent que le nom, prêts à survendre des prestations sans les adapter aux besoins de leur interlocuteurs. Le terme génération Y souffre du même mal. Bien
qu’il soit couramment admis que la génération Y ne soit guère plus qu’une théorie bancale, pas forcément inutile mais à ne pas interpréter au premier degré, son exploitation intensive pendant de
longues années a laissé des traces. En résumé, la génération Y serait responsable de tous les maux de l’entreprise actuelle : aucun respect de l’autorité, un intérêt plus prononcé pour leur
confort que pour leur travail, un manque de fidélité envers l’entreprise, remise en cause des modèles managériaux… Avec de tels coupables potentiels, nul besoin de remettre en question certaines
décisions ou incohérences dans la politique RH. Les clichés ont la vie dure, et beaucoup de jeunes ne se retrouvent pas dans cette définition. Ce qui n’empêche pas bon nombre de théoriciens de
remettre le sujet sur la table dès qu’ils en ont l’occasion, la marronnier a trop de potentiel pour être abandonné. Le problème de la génération Y, c’est que le concept est comme le lip dub.
Dépassé depuis le premier jour, mais on a oublié d’en informer les personnes concernées.
Flavien Chantrel, community manager à RegionsJob
« RH Business Partner »
Que c’est moche et inadaptée comme expression ! D’abord parce que les DRH collaborent depuis longtemps avec les managers opérationnels, mais surtout parce que “Business Partner” enferme les
acteurs de la fonction RH dans un rôle de prestataire interne, de back office technique. Les DRH ne doivent pas être juste partenaires du business mais bien acteurs à part entière, avec un droit
de regard transversal sur l’ensemble du fonctionnement de l’entreprise ! Ils ne sont pas en support de l’activité, comme extérieurs à celle-ci, mais dans l’activité. Certes, la guerre des talents
se gagne aussi grâce à une logistique sans faille, mais le DRH se doit bien d’être présent sur tous les fronts, stratégique, organisationnel, managérial et humain, sans se cantonner à son rôle
d’expert administratif. Le plus drôle c’est que l’expression provient sans doute d’une traduction de l’américain vers de l’anglais francisé. Le concept d’un positionnement de “Strategic Partner”
a en effet été proposé par Dave Ulrich en 1999 … il s’est semble-t-il déformé avec le temps. Beurk !
Thomas Chardin, Directeur Conseil chez Parlons RH
“Il faut engager les salariés / les clients”
C’est beau l’engagement. Cela véhicule des idées telles que l’implication, la réciprocité, la fidélité. Appliqué à un contexte d’affaires, cela sous-entend clairement une volonté d’humanisation
de la relation, de son objectif, de ses modalités. Nulle surprise qu’il arrive donc en bonne place aujourd’hui dans toute la réthorique sociale et 2.0 car lorsqu’on fait reposer tout un système
sur la participation volontaire, hors engagement point de salut. Enfin de l’humain. Enfin presque. On demande au collaborateur et au client de dépasser leur role : au collaborateur de
prendre du temps pour, en plus, participer dans des communautés, au client de devenir un relai marketing, aux deux de donner leurs idées. Le tout pour un éventuel merci puisque “on est dans le
2.0”. Mais sans les valeurs et la culture nécessaire, l’engagement n’est plus qu’une sorte de manipulation ayant pour but d’amener quelqu’un à faire quelque chose pour l’entreprise sans grand
bénéfice pour lui, en lui faisant croire que c’est pour son bien. D’ailleurs remplacez “engager” par “manipuler” dans la plupart des discours …le texte gardera tout son sens. Engager est un
mot lourd de sens qu’on trahit par une mise en œuvre qui n’a en rien évolué nous ramène au scénario bien connu qui, à force de galvauder les promesses, a emmené les uns et les autres à
se…désengager.
Bertrand Duperrin, Consultant Management & Entreprise 2.0, Nextmodernity
« Klout »
Pas vraiment une expression mais un service, il résume pourtant la position que certaines directions commencent à aborder. Les entreprises cherchent de plus en plus à identifier des personnes
influentes, que ce soit dans des logiques communicationnelles mais également de recrutement. Si l’on regarde les analyses venues des USA, mais également de manière minime de France, Klout (et les
services similaires) est de plus en plus évoqué en R.H, où la question du fameux score apposé sur un CV pourrait devenir une sorte d’élément de valeur. S’il apparait évident que ces indices n’ont
aucun fondement scientifique, il est dramatique que cette influence de façade aisément maléable s’impose dans les discussions et que certains spécialistes accordent un quelconque crédit à des
algorithmes dont ils ne connaissent pas les mécanismes sous-jacents. A proscrire donc.
Antoine Dupin, Conseiller Stratégique chez Chalifour
« Talent »
Dans le vocabulaire RH et recrutement, “Talents” a remplacé “compétences”. Parfait pour engendrer encore plus de malentendus! Dans le dictionnaire en français comme en anglais “Talent” désigne
soit “une aptitude à réussir quelque chose”, soit une aptitude très particulière dans un domaine. Dans le premier sens, avoir du talent c’est se classer dans le premier tiers, dans le second il
faut être dans les 1% les meilleurs. Belle marge d’incertitude! Pour ajouter au malentendu, la connotation de “Talent” est l’inné – on l’aurait ou pas… Donc Talent c’est un excellent mot-valise,
un excellent prétexte à colloques, un excellent complément pour le mot “guerre” (hello Thomas, Jean-Christophe) et… pas forcément un concept qui fait avancer le business. Revenir aux
“Compétences”, ce serait so nineties. Alors quoi? Peut-être décomposer les Talents en savoir-faire, en qualités personnelles, en aspirations. Pour les candidats, documenter ces notions par des
réussites, des expériences. Pour les entreprises, les rattacher à la stratégie, à la culture, aux valeurs… Ne nous privons pas du “Talent”, le terme est si pratique et si évocateur – le sens
premier, c’est un poids d’or ou d’argent! Mais sachons à quoi il correspond réellement.
Vincent Giolito, directeur, NouvelleCarrière
« Trop ambitieux pour être porté par la DRH »
… parce qu’en entendant cela on ressent combien la
fonction RH est perçue comme subalterne dans l’entreprise ou/et que ses managers ne sont pas encore les intrapreneurs du développement des talents mais des gestionnaires de la ressource humaine.
En effet, rendre meilleure la RH n’est en général pas une question de moyen mais d’énergie et de compétences. Donc tout est possible !
David Guillocheau, directeur associé Talentys Consulting
« C’est anxiogène »
On rencontre surtout cette expression dans la bouche de certains responsables de
communication RH ou corporate à propos de concepts créatifs pour leur marque employeur (par exemple les fonds noirs seraient anxiogènes ou mieux les symboles de type flêches orientées vers le
bas). Non seulement, cette expression ne veut rien dire mais en plus elle fait autant avancer le débat que les briefs de type “nous souhaitons une création originale, dynamique et
différenciante”.
Loic Lecharny, Directeur associé Zcomme
« La transparence »
Combien de fois entendons-nous dire qu’il convient d’être transparent avec les
équipes ? Combien d’entreprises font de la transparence une de leurs valeurs fondamentales ? Le code de commerce a même institué, pour certaines professions, l’obligation de publier un rapport de
transparence… La transparence est évidemment vertueuse lorsque, au sens figuré, elle évoque la qualité de ce qui exprime la vérité sans la transformer. Mais a-t-on oublié que la
transparence est avant tout la caractéristique d’une matière qui laisse passer la lumière et à travers de laquelle on peut voir distinctement les objets. Et bien moi, je vous dis clairement que
je n’ai pas envie d’être transparent. Je ne souhaite pas que vous puissiez voir à travers moi. Une organisation doit être transparente. Les individus qui la composent – qui plus est ceux
qui la dirigent, doivent privilégier la vérité – au sens moral du terme – à la transparence. Toujours dire la vérité, mais choisir la bonne manière et le bon moment ! Un grand principe de
management.
Jean-Marc Mickeler, associé, responsable de la Marque Employeur, Deloitte
« Coaching »
Le terme de coaching est employé dans de nombreux domaines. On peut même dire qu’il est
partout. Il y a une véritable effervescence. C’est un fait et ce n’est pas un problème en soi. Ce qui est plus gênant c’est qu’on l’utilise de manière abusive ; si bien qu’il est devenu difficile
de savoir ce qu’il recoupe concrètement. Car (bien loin de ce qu’on pourrait penser), le coaching et le métier de coach ont des contours bien établis ; il y a une méthode et une pratique bien
cadrées. Le coach n’est ni un conseiller, ni un formateur ni un expert, ni un psychothérapeute… et son rôle est d’accompagner une personne afin de lui permettre, avec ses moyens, d’atteindre les
objectifs qu’il s’est fixés.
Emilie Ogez, dirigeante de Eolina et créatrice de Youuuhoo
« C’est quoi le ROI là-dessus ? »
Que l’on parle d’actions concernant le management des talents ou
les médias sociaux, la question du ROI (i.e. Retour Sur Investissement) revient de façon récurrente. Si le management des talents permet – entre autres choses – d’assurer qu’un collaborateur
puisse exprimer son plein potentiel et de le fidéliser, quel taux de rendement annuel peut-on donner (puisque le ROI est à la base un ratio financier) à quelqu’un qui ne perçoit pas immédiatement
l’intérêt d’une telle démarche ? Quel est le ROI de la satisfaction d’un collaborateur ? Ca rapporte combien l’engagement ? Mesurer des gains qualitatifs à l’aide de métriques quantitatives n’est
probablement pas une bonne idée….
Alexandre Pachulski, DG Produits chez TalentSoft
“La qualité de vie au travail”
Sitôt inventé, sitôt galvaudé! A la préhistoire, en 2007-2008, on l’appelait
gestion du stress. Et puis il y a eu le siècle des lumières, en 2009-2010: on s’est aperçu que traiter les causes, c’était mieux, alors on l’a appelée “prévention du stress”. Aujourd’hui, le tie
& die du marketing RH lui a donné des couleurs plus pimpantes lorsqu’il est tombé sur les américâneries de la pensée positive, et on l’appelle “qualité de vie au travail”. C’est beau comme
une pissotière repeinte, mais c’est vide comme la Concorde un 15 août à 8h du matin. Car dans les faits rien n’a changé, on a simplement enveloppé les mêmes formations inefficaces dans un joli
papier cadeau sémantique, qui lui vaut de se retrouver estampillée “bisounours” par ceux qui planquent leur manque de courage (en particulier relationnel) derrière un paternalisme préremptoire.
J’adopterais volontiers le terme, ou n’importe quel autre, à partir du moment où il correspondra à des actions concrètes, tangibles, à la place des éternels “accords” et
“diagnostics”
Sylvaine Pascual, Coach spécialiste des relations humaines et la reconversion professionnelle.
« Il faut homogénéiser les comportements »
En entreprise, on nous bassine souvent avec une charte de conduite
propre à l’entreprise, servant de cadre de référence, ayant pour but d’homogénéiser les comportements et d’éviter toutes réactions néfastes au bien-être en interne comme en externe.
Cette manière standardisée appliquée au comportement, ne trouvez-vous pas que cela sonne « taylorien » ? N’est-il plus question de considérer nos employés comme des clients internes, des
consommateurs d’Emploi ? Personne n’apprécie d’être considéré comme un simple pantin. Le partage de valeurs communes ne doit pas devenir un bourrage de crâne allant contre l’éthique de
l’individu. Certes, le but des RH n’est pas de recruter des clones alors pourquoi vouloir en créer par la suite ? Bien sûr que vous pourrez vous façonner des profils « zéro risque » mais c’est
avec ces mêmes personnes que l’on obtient souvent des « zéro innovation », donc « zéro changement », donc « zéro progrès ».
Anne Pestel, Future étudiante en Master 2 – Management International des RH, INSEEC Group
« Parité »
Arrêtons de considérer les femmes comme une minorité en imposant la « discrimination positive », les contraintes et les sanctions. N’est-il pas plus dévalorisant pour une femme
que de prendre des responsabilités dans la vie politique ou dans nos entreprises pour respecter un quota ? Devons-nous être éligibles pour nos compétences ou parce que c’est obligatoire
?
Avec une grande humilité et un profond respect des combats menées par nos mères pour notre émancipation, ne devrions-nous pas accepter nos différences, les assumer comme des forces en mettant nos
compétences, nos motivations, nos envies, nos libertés acquises et nos choix familiaux au service de notre société, avec un peu moins de paranoïa ?
Cécile Ponchel, Directrice Associée de Kalaapa, agence de communication RH – communication de marque – Relations Médias et Influenceurs
“On cherche des intrapreneurs pour ce poste”
Qui dit intrapreneurs, dit prise d’initiative. Cependant,
l’entreprise à l’heure actuelle met l’accent sur la règle, la procédure, l’alignement et limite largement la prise d’initiative. Cela renvoi aussi à plus d’autonomie (ce qui ne signifie pas
l’absence de compte à rendre et surtout donner les moyens de cette autonomie) qui ne signifie pas autogestion. Il y aura vraiment des intrapreneurs quand on remettra en question le
micro-management encore largement présent dans nos organisations.
“Avec le collaboratif, les salariés vont pouvoir co-produire”
La co-production, c’est la notion mise en avant dès qu’on parle de collaboratif, notamment par les consultants. Le principe de la co-production, c’est d’utiliser l’intelligence collective pour
faire évoluer le contenu d’un livrable. Mais si celui-ci est déjà terminé à 95%, pas de marge de manoeuvre pour le faire évoluer. Rendre un livrable à 30% terminé, pour l’emmener avec l’aide de
tous à 120%, c’est inconcevable dans la majorité des entreprises. Un manager n’acceptera jamais un travail aussi peu achevé.
“Le 2.0 renforce l’innovation interne”
C’est aussi une des grandes tartes à la crême. Les études montrent que ce n’est pas le cas. Un outil social ne permet pas de booster l’innovation comme cela. Le corollaire de l’innovation c’est
la prise de risque et donc le droit à l’erreur. On est bien loin de cette culture du droit à l’erreur, base aussi de la confiance.
Anthony Poncier Consultant Directeur en stratégies de collaboration sociale, Lecko
« Humain » ou « Social »
Pourquoi je cite ces 2 mots ? Serait-ce par souci de provocation ? Après tout, ce ne serait pas mon premier essai… pas dans ce cas là, malheureusement. Bien plus que des mots,
« Humain » / « Social » devraient être les constituants principaux des métiers des Ressources Humaines et des consultants qui gravitent autour et ils ne sont plus que des
coquilles vides.
Et pourtant on les voit partout, ils fleurissent dans chaque ligne de billets, d’articles, de tweets, ils occupent les paroles de nombreux professionnels des RH, comme des étendards portés haut
et fort ! Et derrière le rideau de ce spectacle, dans la mise en pratique… rien, un slogan marketing, une promesse électorale dans le meilleur des cas.
Il n’y a bien souvent pas plus d’Humanité, de Curiosité, d’Ouverture, de Partage (réel et non intéréssé) dans nos métiers des Ressources Humaines que dans d’autres secteurs, bien au contraire.
Bas les masques imposteurs ! Nous vous avons reconnus ! Pas de généralités, on croise quand même, et bien heureusement des pépites Humaines, des Abbés Pierre des RH, des Che Guevara de la
cause, mais combien de faux dévôts, de Tartuffes des Relations Humaines…
Arnaud Pottier Rossi, Directeur Associé de Kalaapa, agence de communication RH, Marque, Relations Médias et Influenceurs
« La diversité »
Il faut ouvrir les recrutements à la diversité…sous entendu pourquoi mon entreprise ne ressemble pas à la société… Et si on commençait à se détacher des critères qui rassurent, le diplôme, le cv
pour s’ouvrir à une approche plus large et plus efficace!…les talents, c’est à dire la manière dont on met en œuvre ses compétences. Malgré ses détracteurs frileux, le recrutement via les médias
sociaux ouvre une porte intéressante pour faire évoluer le sourcing et la manière de se faire remarquer. Je propose de sortir du théorème de « Chaudard », le fil rouge sur le bouton
rouge, le fil vert sur le bouton vert…
Stéphane Rivière, Fondateur et dirigeant talenteo.fr
“Sur ce recrutement il va falloir travailler uniquement au succès”
Euh, c’est quoi selon vous, la défintion du
succès , parle-t-on bien de recrutement réussi, c’est-à-dire, garanti dans la durée ? Je ne crois pas non, quand il s’agit de ne payer le cabinet qu’une fois le candidat “livré” chez vous. Ne
soyez pas dupe, ce mode de fonctionnement a un biais majeur : le cabinet ne cherchera pas avec vous le meilleur candidat pour votre recrutement mais cherchera à vous vendre celui qu’il a déjà
qualifié dans une mission précédente (dans le meilleur des cas d’ailleurs).
Vincent Rostaing, LE CAIRN 4 IT, Cabinet Conseil Talent Lifecycle & Social Relationship Management
« Faire travailler les cabinets de chasse en contingency »
Cette pratique commerciale
généralement proposée par les cabinets de recrutement conditionne le paiement des honoraires par l’embauche d’un candidat. L’utilisation d’un terme anglo saxon contribue au mélange des
pratiques. Une fois de plus le principe s’applique : pour recruter les meilleurs, il faut mettre les moyens (dans le cas présent verser un acompte). J’aime bien aussi “Le vivier des candidats”
parce qu’un candidat n’a rien à voir avec un poisson ou un crustacé.
Claire Schnoering, Développement RH. VINCI Construction France
« Ressources Humaines »
A l’époque de l’indiscutable prédominance d’une vision “tout en chiffres” de
l’entreprise et des organisations, vision servie par les “progiciels de gestion intégrée” ou autres ERP, supports de l’informatique de gestion, il n’est pas étonnant de constater que l’offre de
services des collaborateurs et des employés a été réduite à un moyen au même titre que les autres mis en oeuvre par les entreprises. Aujourd’hui, et sans nier l’intérêt et l’utilité de ces
applications de gestion, l’entreprise évolue vers une “informatique de contribution” supportée par de nouvelles solutions qui viennent accompagner une nouvelle vision dans laquelle l’humain et le
lien social revient “sur le devant de la scène” pour une approche différente mais toujours profitable ! Dans ce contexte, il est clair que l’humain dans sa complexité, dans sa richesse, dans
sasingularité et dans sa diversité ne peut pas être considéré uniquement en tant que ressource !
Claude Super, Consultant en valorisation et gouvernance de l’information | claudesuper.com
« Le salarié ambassadeur de l’entreprise »
Les médias sociaux apportent leur lot de rêve et de désillusion quand les usages mûrissent. L’engouement pour la e-réputation a parfois amené certains excès dans la perception du rôle des
salariés sur ces réseaux et notamment comme levier massif de la visibilité et de l’image de l’entreprise. C’est mal interpréter la diversité des profils d’entreprise et des métiers qui les
composent. Malgré les efforts mis sur la montée en compétences des salariés sur ces nouveaux médias, tous n’ont pas envie d’avoir des responsabilités importantes en ligne. Il y a ceux qui
ne veulent pas, et aussi tous ceux qui n’ont simplement pas un accès facile aux web parce qu’ils ne travaillent pas devant un ordinateur ou n’ont pas de mobile professionnel.
Dans la vie réelle, tout salarié représente son entreprise aux heures ouvrées, mais a la liberté de ne plus y être associé le soir, le week-end etc. En ligne, les frontières sont moins nettes et
l’imbrication des sphères personnelles et professionnelles sur des réseaux sociaux connectés peut amener le salarié à faire le choix de ne pas parler de son travail et de son entreprise. Il
serait donc plus prudent de commencer par entendre les salariés s’exprimer sur leurs souhaits, avant d’imaginer en faire d’emblée une population acquise au capital ‘image’ de l’organisation ou de
la marque. Nombreux sont ceux qui veulent juste parler à leurs proches sur Facebook et être en veille sur les opportunités professionnelles externes.
Marie-Laure Vie, Conseil en stratégie digitale et médias sociaux
“Le mot de trop”
…est celui qu’il ne faut pas prononcer, et parfois également ne pas écrire. A chacun de déterminer quel est le sien, et surtout à quel moment il devient en trop.
Aymeric Vincent, Directeur des Ressources Humaines adjoint du pôle littérature de Editis
« HR business partners »
Oui, Thomas et moi avons choisi le même. Parce que justement, les RH ont toujours été des business partners, leurs missions consistant toujours à adapter les effectifs et les compétences aux
besoins de l’activité, avec les décisions qui s’imposent. Qu’il s’agisse de recruter des collaborateurs interchangeables et mono-tâche dans le modèle fordiste, ou au contraire de trouver les
profils en mesure d’accompagner un développement accéléré, ou de mettre en place des actions de formations pour le repositionnement d’une activité, d’adapter les effectifs aux variations des
cycles économiques ou de suivre les opportunités géographiques du coût du travail. Les RH n’ont pas justifier leur contribution à la création de valeur, c’est une réalité, alors je préfèrerais
“employees partners”.
Franck La Pinta, Responsable Marketing web et RH 2.0 à la Société Générale
"Je remercie tous les contributeurs, car en plus du plaisir d’échanger avec tous pour la préparation, c’est un réel plaisir ensuite de découvrir vos textes. Chers lecteurs, n’hésitez pas à apporter votre contribution, ou à voter pour désigner le meilleur Mot RH de Trop."
Merci à toi Franck !
Le "mot de la fin" par Thomas Chardin (posté en commentaire sur le billet de Franck)
Monsieur Géronimo Detrop, DRH et HR Business Partner de son état, à son cabinet de recrutement :
« Je cherche un jeune type, genre génération Y, pour travailler en mode projet sur le développement d’un site de gestion des talents et de recrutement 2.0. On cherche un intrapreneur pour ce poste mais qui connait bien les réseaux sociaux, s’il avait un bon Klout score ça serait bien. Il faut bien sûr un candidat qui partage nos valeurs. Un candidat ou une candidate, on est pour la parité et la diversité.
En toute transparence, c’est un job un peu anxiogène, donc le salarié concerné bénéficiera de séances de coaching personnalisé car on ne veut pas homogénéiser les comportements. On cherche
vraiment à préserver la qualité de vie au travail.
En pleine guerre des talents, Il faut mieux engager les salariés, pour en faire des véritables ambassadeurs de l’entreprise. Aussi on pense que le 2.0 renforce l’innovation interne. Avec le
collaboratif, les salariés vont enfin pouvoir co-produire. Ce site, on va remettre l’Humain au cœur de l’entreprise. De l’humain et du social, c’est ça que l’on souhaite.
Vous allez me dire, « c’est quoi le ROI là-dessus ? » et vous aurez raison mais je ne sais pas, je ne suis que Business Partner. Il faut vous adresser à la DSI car ce projet est trop ambitieux pour être porté par la DRH. Ce que je peux vous dire c’est que nous allons faire travailler les cabinets de chasse en contingency. Et sur ce recrutement il va falloir travailler uniquement au succès. J’ai dit un mot de trop ? »
Je crois qu’ils y sont tous…
Et vous quel est votre mot de trop ?