Jacques avait entendu parler de ce mystérieux colis que recevait chaque nouveau directeur financier. L'envoi provenait du bureau du président. Il déchira l'emballage. Une matriochka de bois coloré le dévisageait. Il l'ouvrit par le milieu. Une seconde poupée gigogne apparut, puis une troisième.
Jacques songeait à une mauvaise blague lorsqu'une lettre glissa de la dernière poupée. Quelques lignes de la main du patron : "Félicitations Jacques. Tu as fait une partie du chemin. Ce qu'il te reste à parcourir est bien plus difficile. Que la plus haute de ces poupées te rappelle à l'exigence de loyauté qu'impose ta connaissance de nos secrets. Que la seconde t'inspire ta place : numéro 2, soutien en toutes circonstances du patron de ta filiale. Que ton humilité soit à l'image de la plus petite. Tu es un parmi tous et ton devoir est de former des collaborateurs plus grands que toi. Tu es l'âme de notre groupe."
Les directeurs financiers qui excellent en 2008 sont-ils si différents ?
(Cet article publié en avril 2008 est reproduit avec l'autorisation de la revue Echanges de la DFCG. Cliquer ici pour consulter ce numéro consacré à l'éthique du manager financier et télécharger l'article d'origine avec ses deux annexes)
Les champions se lèvent à la même heure
Parmi des milliers de bons directeurs financiers, quelques-uns se détachent par leurs performances hors normes. Qu'est-ce qui différencie ces champions ? Ce ne sont pas leurs qualités objectives. Les directeurs financiers les plus performants sont très qualifiés. Leurs compétences sont bâties sur de solides pratiques. Leur intelligence est brillante. Ils travaillent dur et sont engagés à 100% au service de leur compagnie. Ils sont équivalents sur tous ces critères aux bons directeurs financiers.
Un directeur financier qui fait déjà bien son métier n'a aucune chance de devenir un champion en s'engageant plus, en élargissant ses compétences ou en travaillant davantage.
Comment se comporte le directeur financier "ressource" ?
Les directeurs financiers hors normes savent qu'en tant que n°2 de leur société ils assument de grandes responsabilités, et ils sont conscients de les assumer très différemment de leur patron direct.
Le directeur financier d'exception ne se contente pas de bien servir son N+1 et de bien manager ses troupes. Il a le privilège d'établir avec chacun des autres cadres dirigeants de son entité des liens très productifs : les rapports de pouvoir s'y estompent, au profit d'un échange ouvert dans l'intérêt commun. Très peu de directeurs financiers vivent ces rapports avec le dosage d'engagement, d'humanité et de recul approprié.
C'est aussi dans la gestion des secrets et des non-dits que se distinguent les meilleurs : à eux, tout peut être confié, y compris l'inconcevable. Leur capacité à porter le poids de ce qui fait l'épaisseur et la richesse de leur entreprise est forgée au fil de leur expérience. C'est en ce sens qu'un grand directeur financier est, plus que son n°1, l'âme de l'entreprise.
Les champions sont enfin plus tournés vers le collectif que vers eux-mêmes. Ils sont peu sensibles à la recherche de leurs propres intérêts et leur fonction n'est pas leur instrument de pouvoir. Ils visent rarement la position de n°1, ce qui peut les y préparer. Ils ont à coeur de faire grandir leurs collègues et collaborateurs et trouvent leur plaisir dans la réussite collective.
Le terme de directeur financier "ressource" peut être employé pour caractériser ce comportement de dirigeant responsable, et aussi d'homme ou de femme d'écoute et de solidarité, hors de la course au pouvoir et aux intérêts particuliers.
Les entreprises dotées d'une telle clé de voute se repèrent aisément, tant leurs performances en sont facilitées.
Charger la barque n'avance à rien
Comment devenir directeur financier "ressource" ?
Puisque la différence tient, à compétences égales, aux comportements et à la manière d'être, on pourrait croire qu'il suffit de s'analyser puis de décider d'axes de progrès. L'expérience montre qu'il ne faut pas attendre grand-chose de cette démarche. Les comportements au travail sont le résultat d'équilibres personnels profonds et anciens. Il est heureux que ces équilibres soient étanches aux recommandations extérieures et aux bonnes résolutions.
Par exemple, lorsqu'un directeur financier est limité dans la richesse de ses rapports avec ses collègues, et tenté de se défendre derrière une image dure, le lui dire et lui demander de "changer" sa façon d'être va charger sa barque qui était déjà peu manoeuvrable, et l'enfermer un peu plus dans la répétition.
Toute personne soumise à une tension ou une contrainte extérieure cherche d'abord à s'en protéger pour ne rien changer. Si cette tension persiste ou s'accroît, la défense augmente, jusqu'à paralyser les mécanismes internes d'apprentissage et d'évolution. C'est la crampe du sportif, appliquée au psychisme.
Cela explique qu'en situation exigeante nous nous cantonnions à un plus petit nombre de comportements anciens et bien maîtrisés, au lieu d'explorer de nouvelles options. C'est d'autant plus dommage que, contrairement à un préjugé courant, ce sont les cadres les plus performants qui ont le plus de potentiel de progrès à exploiter. S'ils sont performants, c'est qu'ils ont déjà commencé à mobiliser les ressources illimitées de leur personnalité, au lieu de se contenter de leurs compétences. Il leur suffit de passer les seuils suivants pour continuer sur cette voie.
Si conseiller ou contraindre aboutit à l'effet inverse, que font les directeurs financiers qui se détachent du lot ?
Travailler sur soi permet de se transformer
Nous passons tous par des étapes d'évolution au cours desquelles nous revisitons, dans le secret de notre intimité, nos façons de ressentir et d'agir.
C'est de cela qu'il s'agit, appliqué à la sphère professionnelle.
Les meilleurs directeurs financiers ont travaillé sur eux-mêmes pour se transformer face à leurs enjeux professionnels. Parfois sans s'en apercevoir, en mûrissant au fil des années et, de nos jours dans un tiers des cas, en prenant en main leur développement avec un coach professionnel.
La relation au coach apporte le lieu de travail confidentiel et le lien de confiance qui permettent au dirigeant déjà bon de s'interroger pour travailler différemment. Le coaching de performance se pratique sur une durée de six, neuf ou douze mois. Les objectifs et les coûts sont fixés dans le cadre d'un contrat tripartite avec l'entreprise cliente.
Le ou la bénéficiaire du coaching dispose d'une accès illimité à son coach, par sessions de travail d'une heure et demie à deux heures, planifiées à son choix, en moyenne toutes les deux semaines. Peu importe la fréquence, pourvu qu'elle soit choisie, puisque c'est la focalisation du travail sur soi du cadre qui, d'une session à la suivante, agit.
L'entreprise cliente gagne sur deux tableaux : elle obtient les résultats visés et elle économise les conséquences des erreurs qui auraient fait évoluer la personnalité de son directeur financier.