Différences entre conjoint collaborateur, conjoint salarié, conjoint associé. Comment choisir ?

Publié le 15 mars 2010 par Ruinart @creactions

Bonjour,
Pour vous aider à choisir le statut de conjoint au travail qui vous convient le mieux, à vous et votre époux/épouse entrepreneur, il convenait de faire le point sur les différences entre les trois possibilités de statuts : conjoint collaborateur, conjoint salarié, conjoint associé.
L’APCE nous fournit, pour une vision comparative globale, un tableau confrontant les différents points http://www.apce.com/pid652/tableau-comparatif.html très bien fait. J'y ajouterai des remarques et des analyses personnelles puisées dans mon expérience et les échanges de vécus et de choix que ce blog peut permettre.
Reste à l’étudier point par point et en tirer les conclusions qui vous seront utiles :
1/ Qui peut accéder au statut de conjoint au travail :
Les personnes travaillant de manière régulière pour leur époux/épouse chef d’entreprise, s’ils sont mariés ou pacsés peuvent accéder au statut soit de conjoint collaborateur, soit de conjoint salarié, pour ce qui est de conjoint associé, ceci est possible en cas de possession de parts de société.
Les concubins ne peuvent pas accéder à ce statut.
2/ Dans quelles conditions les conjoints au travail peuvent opter pour tel ou tel statut :
- Pour les conjoints collaborateurs, il suffit d’être marié ou pacsé, de travailler régulièrement dans l’entreprise, ou en télétravail pour celle-ci, de ne pas être rémunéré pour ce travail et ne pas être titulaire de parts de la société.
- Pour les conjoints salariés, il suffit d’être marié ou pacsé, de travailler régulièrement dans l’entreprise, ou en télétravail pour celle-ci, d’avoir un contrat de travail pour un travail réellement effectué, et un salaire minimal au SMIC et maximal correspondant aux pratiques du secteur. Le conjoint salarié peut au contraire du conjoint collaborateur détenir par ailleurs des parts de la société.
- Pour les conjoints associés, il suffit de détenir des parts dans la société de son époux/épouse entrepreneur. Il peut par ailleurs être bénéficiaire d’un contrat de travail et rémunéré en fonction de son implication dans l’entreprise, comme le conjoint salarié.
3/ Les formalités pour les différents statuts de conjoints au travail sont assez simples :
- Pour le conjoint collaborateur, il suffit de déclarer à l’URSSAF sur formulaire P0 à la rubrique « commentaires » la mention « déclaration de conjoint collaborateur à compter du X/X/2XXX » et aussi faire un courrier à l’organisme retraite pour les indépendants dont les entrepreneurs dépendent (pour ma part la CARMF qui est l’organisme retraite pour les médecins) afin d’être enregistré comme conjoint collaborateur et suite à cela recevoir les appels à cotisation de retraite en choisissant le montant de cotisations.
Pour les auto-entrepreneurs qui souhaiteraient déclarer leur conjoint en conjoint collaborateur, le formulaire est le formulaire Cerfa n° 11931*01 [n° interne : P2 - PL] rubrique 13 dans "renseignements complémentaires" puis en sous-titre "observations". Voir mon analyse et point de vue dans l’article posté le 16/12/2009 http://conjointsautravail.blogspot.com/2009_12_16_archive.html
- Pour le conjoint salarié, il convient comme tout salarié de mettre en place un contrat de travail, une visite annuelle à la médecine du travail, procurer la convention collective du secteur. Et bien sûr rémunérer le conjoint en fonction. Déclarer un conjoint salarié lorsqu’on est auto-entrepreneur relève d’un mauvais calcul, car le seuil micro-social à ne pas dépasser ne permet pas de payer un salaire et les charges afférentes pour deux personnes.
- Pour le conjoint associé : encore plus simple, il suffit de mentionner qu’il est conjoint associé dans les statuts de la société.
Les formalités gagneraient à être plus claires notamment pour les conjoints collaborateurs qui sont assimilés à une rubrique annexe de formulaire et sont même négligés au niveau national, par l’INSEE et tout autre organisme de statistique qui les ignore complètement dans leur comptage ou encore les amalgame avec d’autres activités qui ne sont pas les leurs, puisque les conjoints collaborateurs sont rattachés aux organismes dont dépendent leurs conjoints chefs d’entreprises (CCI, chambre des métiers, RSI etc).
4/ Pouvoirs dans l’entreprise :
- Pour le conjoint collaborateur : mandat de l’entrepreneur pour le représenter dans les actes de gestion courante, ce qui n’est pas le cas du conjoint salarié. Dans les faits c’est difficile de faire valoir cette accréditation auprès d’un banquier ou autre administration paperassière, ou même auprès d’un opérateur de téléphonie à qui l’on téléphone pour faire débloquer une puce car ils veulent tous avoir affaire au Chef d’Entreprise avec les majuscules qui les différencient du petit personnel.
- Pour le conjoint salarié : ses pouvoirs sont quasi nuls au sein de l’entreprise, son travail est défini par le contrat qui le régit et sa rémunération est en rapport.
- Pour le conjoint associé : il a juste des droits de vote au conseil d’administration en fonction des parts dont il est titulaire.
Pouvoirs limités dans tous les cas même si le conjoint collaborateur est dans les textes accrédité pour certaines opérations de gestion.
5/ Rémunération :
- Pour le conjoint collaborateur : aucune rémunération. Il travaille pour les beaux yeux de son conjoint entrepreneur, vous ne le saviez pas ?!
- Pour le conjoint salarié : salaire au moins égal au Smic, conforme à la convention collective et à l'usage de la profession pour un poste et une qualification équivalente. Les charges sociales afférentes à la rémunération du conjoint sont intégralement déductibles.
- Pour le conjoint associé : droit aux bénéfices distribués sous forme de dividendes
Là énormes différences pour les trois cas entre zéro rémunération, un accès aux dividendes et un vrai salaire. Par contre l’incidence d’un salaire sur l’entreprise peut être trop importante, vu les charges de plus en plus élevées sur les entreprises, pour que les conjoints entrepreneurs puissent se permettre de payer leur conjoint au travail et donc opter pour le statut de conjoint salarié.
6/ Protection sociale :
- Pour le conjoint collaborateur : pour l’assurance maladie maternité, affiliation gratuite en qualité d'ayant droit du chef d'entreprise, et donc utilisation du nom et numéro de Sécurité Sociale du chef d’entreprise. Ceci n’est plus possible en cas de cumul d’activités entre conjoint collaborateur d’un entrepreneur et une autre activité, qu’elle soit salariée ou en auto-entreprise. Dans ce cas, le conjoint collaborateur voit son activité secondaire devenir principale pour l’administration, et de ce fait entraîne sa propre immatriculation à l’assurance maladie, donc attribution de son numéro de Sécurité Sociale personnel. Dans mon cas précis (conjointe collaboratrice d’un mari médecin pour un mi-temps et installation en auto-entreprise depuis le 1/9/2009, j’en suis encore à attendre ma nouvelle carte Vitale !
Pour la retraite : adhésion obligatoire au régime d'assurance vieillesse de l'exploitant. Suivant l’activité de l’exploitant, celui-ci n’a pas les mêmes possibilités, ni les mêmes organismes pour se constituer une retraite ce qui creuse l’écart entre les conjoints des différents professionnels, bien que les conjoints souvent s’en tiennent à des activités loin du secteur d’activité de l’entrepreneur et sont plutôt en charge du secrétariat, comptabilité, ménage, prospection téléphonique ou accueil de clientèle et donc ne devraient pas forcément relever de l’organisme régissant leurs conjoints entrepreneurs.
- Pour le conjoint salarié : affiliation obligatoire au régime général de sécurité sociale et retraite calculée en fonction du temps de travail sur la carrière et des droits à retraite cumulés, comme n’importe quel salarié.
- Pour le conjoint associé : adhésion obligatoire au Régime social des indépendants (RSI), sauf dans le cas de réunion dans les mains des membres de la famille de moins de 50% des parts de l’entreprise ou encore si le conjoint ou partenaire pacsé est par ailleurs salarié. Dans ce dernier cas, le conjoint associé devient alors l’ayant droit de son conjoint/pacsé. Pour la retraite : affiliation obligatoire au régime d'assurance vieillesse de base, de retraite complémentaire et invalidité- décès de l'exploitant.
Trop de caisses différentes, de démarches paperassières, de cas particuliers pour la couverture sociale, ineptie du rattachement du conjoint collaborateur à l’organisme de son époux/épouse entrepreneur pour la retraite si le conjoint ne fait pas le même métier que son époux/épouse. Une distinction devrait être faite et un statut réel et tangible, reconnaissant le conjoint collaborateur comme un travailleur et donc apporteur de valeur à l’entreprise, et de ce fait le prendre en compte réellement à tous niveaux dans son activité propre et dans les statistiques.
7/ Formation du conjoint :
- Pour le conjoint collaborateur : Normalement une cotisation est collectée par l’URSSAF pour être reversée aux organismes agréés pour la formation en DIF. Pour mon cas particulier, l’URSSAF a perdu mon dossier de conjoint collaborateur, car ils n’ont pas un système informatique affiné pour faire apparaître clairement les entrepreneurs ayant des conjoints collaborateurs déclarés ou non. Résultat, j’ai eu beau écrire plusieurs fois avec AR pour demander de rétablir la situation et appeler le cas échéant les cotisations, notamment de formation, pas de réponse. Et hélas je ne suis pas la seule, soit à ne pas avoir de dossier ouvert (c’est sûr en être réduit à figurer pour toute déclaration sur un formulaire à la rubrique « observations » c’est fou ce que ça pose une femme/un homme et génère facilement leur inclusion dans les statistiques et facilite le suivi de leur dossier ! Ce qui fait que dans la réalité, peu de conjoints collaborateurs peuvent espérer accéder à la formation continue et encore moins dans des domaines qui pourraient leur ouvrir une possibilité d’accroître leurs possibilités de travail.
- Pour le conjoint salarié : titulaire d'un droit individuel à la formation professionnelle continue (DIF). Dans le cas où il exerce ce droit, le coût de la formation est pris en charge par l’entreprise.
- Pour le conjoint associé : titulaire d'un droit individuel à la formation professionnelle continue (DIF). Dans le cas où il exerce ce droit, le coût de la formation est pris en charge par l’entreprise.
Le DIF c’est bien beau mais, bien trop souvent il est difficile de l’exercer, et pour les conjoints collaborateurs, bien difficile de faire valoir leur droit à formation, voir impossible en dehors d’un panel du genre stage de tenue de standard téléphonique ou d’entretien de locaux ou encore de secrétariat.
8/ Droits au regard de l’assurance chômage :
- Pour le conjoint collaborateur : aucun droit au chômage ni à aucun dispositif d’aide à la reprise d’une activité en cas de problème, étant donné que le conjoint collaborateur n’est pas payé pour son travail. Cela peut entraîner une grande précarité en cas de divorce, décès du chef d’entreprise, ou encore d’invalidité complète et définitive de celui-ci.
- Pour le conjoint salarié : droits à l’assurance chômage et aux dispositifs qui peuvent être mis en place pour aider les chômeurs à s’installer ou retrouver un travail, ceci comme n’importe quel salarié. Comparativement au conjoint collaborateur, y a pas photo sur ce poste, une plus grande protection du conjoint collaborateur serait la bienvenue !
- Pour le conjoint associé : pas d'ouverture de droits à l'assurance chômage au titre du statut de conjoint salarié mais possibilité de maintien de ses allocations chômage s’il a une activité salariée qui s’est interrompue par ailleurs.
C’est l’un des points qui creuse la différence de protection entre les différents conjoints au travail.
9/ Régime fiscal :
- Pour le conjoint collaborateur : Pas d’imposition sur rémunération puisqu’il n’est pas rémunéré. Les cotisations versées aux contrats d'assurance groupe (contrats Madelin) pour le conjoint ou partenaire pacsé collaborateur sont déductibles dans la limite d'un plafond variable selon l'objet du contrat. Mais bien entendu la souscription au contrat Madelin n’est pas obligatoire.
- Pour le conjoint salarié : Imposition sur le revenu comme tout salarié dans la rubrique « traitements et salaires ». Par ailleurs pour une entreprise soumise à l'IS : Déduction intégrale du salaire du conjoint, s'il n'est pas excessif. Et pour une entreprise soumise à l'IR : déduction intégrale du salaire si le conjoint est marié sous un régime de séparation de biens, ou si l'entreprise a adhéré à un CGA ou AA. Déduction du salaire dans la limite annuelle de 13 800 euros s'il est marié sous un régime de communauté ou de participation aux acquêts et que l'entreprise n'est pas adhérente d'un CGA ou d'une AA.
- Pour le conjoint associé : Imposition des dividendes à l'IR dans la catégorie des « revenus de capitaux mobiliers ».
La fiscalité est un point très différent, tout comme la rémunération et la protection du conjoint, suivant le statut choisi. En lisant les différents items, il semble plus judicieux de choisir le statut de conjoint salarié, seulement le problème est plus souvent que l’entrepreneur, s’il opte plutôt pour déclarer en conjoint collaborateur, c’est qu’il ne peut pas assumer le coût d’un salaire. Donc j’aurais tendance à penser que plus une entreprise a les moyens et plus elle peut se permettre une meilleure protection du conjoint déclaré et de choisir dans ce cas le statut de conjoint salarié, voire de conjoint salarié et associé.
10/ Responsabilité en cas de difficultés de l’entreprise :
- Pour le conjoint collaborateur : seul le chef d'entreprise est responsable au titre des actes accomplis par le conjoint ou le partenaire pacsé collaborateur pour les besoins de l'entreprise.
- Pour le conjoint salarié : à condition de rester dans ses prérogatives en tant que salarié, sa responsabilité ne peut être recherchée.
- Pour le conjoint associé : responsabilité limitée au montant des apports (sauf dans les SNC).
Cependant, si la responsabilité du conjoint, en cas de difficulté de l’entreprise est relative, le retentissement sur le revenu et les dettes du couple sont bien différentes, suivant le contrat de mariage, et les protections apportés aux biens personnels. Ainsi, en attendant de savoir ce que deviendra le projet du gouvernement sur le sujet de l’EIRL, tout entrepreneur individuel engage son patrimoine personnel et professionnel en cas de dettes de l’entreprise. Seule possibilité pour éviter de tout engager : faire un acte notarié d’insaisissabilité qui protège le domicile du couple et les fonciers bâtis et non bâtis répertoriés et dont le couple est propriétaire. Le coût de cette démarche est de 117,68 euros TTC (honoraires du notaire) + 25 euros pour publication de la déclaration au bureau des hypothèques + 25 euros pour salaire du conservateur des hypothèques + frais annexes de copies etc. Soit au bas mot de 167,68 euros minimum.
11/ Séparation des conjoints ou des partenaires pacsés :
- Pour le conjoint collaborateur : entraîne la cessation automatique du bénéfice de ce statut en cas de divorce ou de séparation de corps ou de rupture du Pacs.
- Pour le conjoint salarié : sans effet sur le contrat de travail et donc aucune perte ni précarité.
- Pour le conjoint associé : sans effet sauf disposition contraire des statuts.
Sur ce point encore le conjoint collaborateur est le moins bien protégé !
12/ Décès de l’exploitant ou invalidité totale et définitive empêchant la poursuite de son activité :
- Pour le conjoint collaborateur : le conjoint survivant qui a participé, sans rémunération, pendant 10 ans à l'activité d'une l'entreprise commerciale, artisanale ou libérale peut prétendre à une part de la succession.
En cas de cessation d'activité de l'artisan, son conjoint collaborateur depuis au moins 3 ans, bénéficie d'un délai de 3 ans pour satisfaire aux conditions relatives à la qualification professionnelle dans l'activité concernée. Dans ce cas, il devra s'appuyer sur les dispositifs de validation des acquis d'expérience.
- Pour le conjoint salarié : sans effet sur le contrat de travail si l'activité est poursuivie.
En cas de cessation d'activité de l'artisan, son conjoint salarié de l'entreprise depuis au moins 3 ans, bénéficie d'un délai de 3 ans pour satisfaire aux conditions relatives à la qualification professionnelle dans l'activité concernée. Dans ce cas, il devra s'appuyer sur les dispositifs de validation des acquis d'expérience.
- Pour le conjoint associé : sans effet sur sa qualité d'associé si l'activité est poursuivie.
En cas de cessation d'activité de l'artisan, son conjoint associé depuis au moins 3 ans, bénéficie d'un délai de 3 ans pour satisfaire aux conditions relatives à la qualification professionnelle dans l'activité concernée. Dans ce cas, il devra s'appuyer sur les dispositifs de validation des acquis d'expérience.
13/ Fin du statut de conjoint collaborateur, conjoint salarié ou conjoint associé :
- Pour le conjoint collaborateur : résiliation à tout moment sur demande du conjoint collaborateur. Cessation automatique en cas de changement de statut de l'entreprise, de décès de l’entrepreneur, de divorce ou cessation du Pacs.
- Pour le conjoint salarié : démission, arrivée du terme du contrat de travail si CDD ou de la retraite pour CDI, licenciement.
- Pour le conjoint associé : cession de ses droits sociaux.
En résumé :
Côté fiscalité le statut de conjoint collaborateur est plus avantageux pour le couple, par contre tous les autres points sont source de précarité pour les conjoints collaborateurs et de non reconnaissance d'un travail qui est tout de même fait sans être rémunéré mais de manière malgré tout professionnelle.
Depuis l’avènement du statut de l’auto-entrepreneur et la possibilité de cumul avec cette activité, cela donne une meilleure reconnaissance sociale et une meilleure protection pour les conjoints collaborateurs, pour les cas de divorce ou décès ou incapacité de travailler de leur conjoint entrepreneur. Bien qu’être en entreprise individuelle ne permet pas d’être protégé en cas de faillite pour aller sous la houlette de Pôle Emploi avec indemnités à la clef, pas davantage que les aides mises en place pour les chômeurs qui s’installent ne leur est accessible.
Pour terminer sur une note d’humour : conjoints collaborateurs, vous qui travaillez pour les beaux yeux de votre époux/épouse entrepreneur, n’oubliez pas de leur faire les yeux doux pour éviter un divorce qui vous serait préjudiciable ;)
Dans tous les cas, oeuvrons ensemble pour une meilleure reconnaissance et des statistiques propres à la population des conjoints au travail.
N'hésitez pas à partager votre vision et votre expérience de ces situations, éclairer les choix que vous êtes amenés à faire. Ensemble nous serons plus forts et mieux représentés.