Biais, travers et défauts de l’entretien de recrutement

Par Laurent


Chers lecteurs,
Il est acquis et de notoriété publique que le recrutement n’est pas une science exacte. A l’origine de ce constat, trois principaux arguments :
- les éléments exogènes à la réussite d’un recrutement sont nombreux, évolutifs et trop aléatoires : situation personnelle, environnement de l’entreprise, management…
- Les limites du recrutement tiennent à sa situation : des humains évaluant des humains.
- L’entretien de recrutement classique est dans une très large majorité des cas, le principal outil de ce process et ses défauts sont nombreux.
Evaluer, jauger, estimer ou bien encore juger l’homme est donc une activité bien ardue et très peu prédictive. Peu importe alors le process de recrutement mis en place, il ne permettra jamais de garantir à 100% la réussite d’un Candidat.
Alors même que chacun reconnaît et admet que le recrutement est une non-science, il s’avère que la grande majorité des entreprises n’utilisent qu’un seul outil : l’entretien de recrutement classique. C'est-à-dire un simple « jeu » de questions-réponses, plus ou moins bien structuré autour des expériences du candidat et de ses motivations. Bien que celui-ci soit une pratique courante, répandue et largement utilisée, il s’avère que son usage recouvre trois biais principaux liés à :
- la situation d’évaluation de l’entretien,
- la communication orale,
- l’évaluation des personnes.

1) Les biais liés à la situation de l’entretien.

Les objectifs et enjeux d’un entretien de recrutement sont différents pour le Recruteur et les Candidats. En effet, chacun ne poursuit pas le même objectif. Alors que le Recruteur est là pour évaluer, comprendre, jauger, mesurer… Les Candidats ont pour seul objectif de plaire, séduire et se montrer sous leur meilleur jour. La situation de l’entretien en devient paradoxale : le Recruteur cherche les failles et les « lâché-prise », alors que les Candidats n’ont pour but que de se rendre désirable !

2) Les travers liés à la communication orale.

L’entretien de recrutement est oral, il véhicule donc une forte dimension affective et se fait sur le mode de l’échange, avec un émetteur et un récepteur. Chacun ayant leurs propres filtres et mode de compréhension.
Ce que vous dites n’est donc pas forcément écouté comme vous le pensez !
Les distorsions et parasites sont nombreux dans l’échange d’informations et même si tout le monde sait parler, peu de personnes savent réellement communiquer oralement. En effet, peu de personnes, notamment dans une situation d’entretien de recrutement, sont capables d’adapter : ton de la voix, débit de parole et de maîtriser son articulation, mais aussi d’accueillir un message sans jugement, ni à priori…
Pour appuyer ce propos, combien d’entre-nous seront-ils capables de réellement faire la différence entre les intentions de l’émetteur :
- « … ce que je pense … »
- « … ce que je veux dire … »
- « … ce que je crois dire … »
- « … ce que je dis … »
Et les intentions du récepteur :
- « … ce que vous voulez entendre … »
- « … ce que vous entendez … »
- « … ce que vous croyez comprendre … »
- « … ce que vous voulez comprendre … »
- « … ce que vous comprenez … »
Sans compter les compléments à cet échange oral : le paralangage comme les gestes, les attitudes, les silences, les regards et expressions du visage qui font la part belle aux interprétations diverses et variées !
3) Les défauts liés à l’évaluation des personnes.

L’entretien de recrutement fait la part belle aux interprétations personnelles et à une évaluation plus qu’incertaine de la personnalité et des compétences comportementales. En effet, de nombreux paramètres que nous ne pouvons contrôler interviennent dans cette situation d’évaluation. Tel que notre cadre de référence lié à notre vécu socio-culturel, nos préjugés et autres stéréotypes. Tous ces éléments ne font qu’interférer avec les capacités de jugement et ne peuvent qu’induire des erreurs d’interprétations. L’entretien de recrutement est alors le terrain du ressenti, du subjectif et du fameux « …celui-là je le sens bien… ». Charge au Recruteur, mais aussi aux Candidats de faire attention à ces nombreux biais, qui pour les plus connus sont :
- L’ancrage mental, c’est le fameux « … les cinq premières minutes… », il s’agit donc de ne surtout pas être influencé par la première impression, qui n’est pas dans la grande majorité des cas, la meilleure !
- Le statu quo, tout ce qui est nouveau est risqué, c’est la résistance aux changements qui est très en lien avec le syndrome du clonage « … Ya qu’à en recruter un qui a fait la même école que moi !… ».
- L’égocentrisme, tout se rapporte à lui et lui seul, c’est le champion toute catégorie, tout lui réussit, rien ne lui résiste…
- L’effet de halo, un recruteur perçoit ou ressent une qualité et de cette spécificité positive, il en tire d’autres traits positifs.
- Le conformisme, de nombreux candidats effacent leur personnalité pour ressembler au plus grand nombre, c’est souvent l’apanage des jeunes diplômés.
- L’effet Dunning-Kruger, mon préféré, tellement vrai, un reflet de notre société ! Les moins compétents dans un domaine surestiment leurs compétences, alors que les plus compétents ont tendance à sous-estimer les leurs.

Pour conclure cette analyse, reste alors deux questions :
- Mais alors et malgré tous ces travers, pourquoi l’entretien de recrutement classique est-il l’outil le plus utilisé ?
- De quelles manières en améliorer sa performance ?
Pour répondre à la première de ces deux questions, il faut savoir que nombre de Recruteurs, mais aussi de Candidats, n’ont pas conscience de ces biais ni de la situation paradoxale de l’entretien de recrutement. Par ailleurs, nous sommes dans le cadre d’une science non exacte, acceptée en tant que tel par le commun et comme dirait l’autre « on a que ça, alors faisons avec !... ». Du reste, l’entretien de recrutement est le process le plus simple, le moins onéreux et le moins contraignant à mettre en place.
A la deuxième question, l’entretien de recrutement peut-il être plus performant ? La réponse est oui, mais sa performance n’en sera pas décuplée ! Il s’agit donc d’avoir conscience de ces biais, de prendre du recul sur ces derniers et surtout d’être accompagné de professionnels du recrutement pour évaluer aux mieux et sécuriser au maximum sa prise de décision.
Restant à votre écoute pour partager avec vous sur cette thématique.