Une culture d’entreprise apprenante

Publié le 19 novembre 2014 par Dunod @PratiquesRH

Les blogueurs de Pratiques RH au quotidien (Dunod) ont rencontré Bart Schutte, Director of Digital Learning & New Technologies chez Saint-Gobain….

 

Consultant chez Accenture pendant presque vingt ans dans le secteur des nouvelles technologies, Bart Schutte rejoint ensuite le groupe Saint-Gobain, leader mondial de l’habitat, d’abord au sein de la DSI puis, à partir de l’automne 2011, comme Director, Digital Learning & New Technologies. Feuille de route ? Exploiter et convaincre de la valeur ajoutée du digital dans les différentes dimensions de la formation, qu’il s’agisse de formations existantes, de conception de formations et surtout d’apprentissage en toute occasion. Un témoignage au croisement de compétences technologiques, d’une curiosité pour l’innovation et les pratiques collaboratives, avec l’ambition de faire de l’intégration du digital un levier de changement et de responsabilisation croissante des collaborateurs dans l’évolution de leurs compétences.

De la logique de formation ponctuelle à celle de culture de l’apprentissage

Ma conviction est qu’il faut passer d’une logique d’administration de learning objects (qu’il s’agisse de stages en présentiel et/ou de modules e-learning complémentaires ou autonomes) à celle de culture apprenante. Pour que la formation ne soit plus réservée à des moments exceptionnels de la vie du collaborateur, mais dynamise au quotidien ses compétences, il faut exploiter au maximum les ressources disponibles sur Internet et la force collaborative des réseaux sociaux d’entreprise (échanges d’expertises, intégration de diaporamas synthétiques et animés, exploitation de témoignages vidéos, etc.).

Capitaliser sur le potentiel des réseaux sociaux d’experts

Il faut capitaliser sur la dimension sociale de l’apprentissage, qui constitue une mine d’or d’informations non structurées, de conversations d’experts. En collaborant à des réseaux d’expertise spécialisés et au réseau social de sa propre entreprise, on en apprend souvent beaucoup plus en beaucoup moins de temps.

Le social a un rôle très important dans la formation, aussi bien pour soutenir le présentiel que pour compléter les modules e-learning.

MOOC : stimuler l’engagement des apprenants

Par leur diversité et la qualité souvent remarquable de leurs programmes –car fédérés par des établissements prestigieux – les MOOC (Massive Open Online Courses) constituent une fabuleuse richesse dans l’apprentissage social. Ils permettent de se former sur une session limitée dans le temps, sans la contrainte du coût onéreux de formation dans les établissements étrangers les plus prestigieux (même si le networking local que l’on se constitue n’est bien sûr pas à négliger).

Certes, les études montrent qu’il est difficile de rester assidu au MOOC jusqu’à son terme mais pour moi, c’est d’abord une question d’organisation, de discipline. Le taux d’attrition au fil d’une session de MOOC est élevé car les inscriptions se déclenchent souvent sur la base d’une simple curiosité, sans prendre suffisamment en compte le temps d’implication induit par cette modalité d’apprentissage (tâches à effectuer, échanges avec les paires, etc.).

Côté conception, on sait que pour faire un bon MOOC, il ne suffit pas de filmer un professeur donnant un cours devant sa classe et ensuite le poster. Un MOOC, c’est une formation complètement revisitée, très dynamique et très engageante. Nous faisons donc une veille active dans ce domaine afin de profiter de ce qui existe et d’inciter nos responsables de formation interne à proposer ces

nouvelles modalités d’apprentissage aux collaborateurs concernés par le sujet. Nous incitons notamment les inscriptions à la deuxième session du MOOC à succès de Cécile Dejoux, Du Manager au Leader  (inscriptions à partir du 15 novembre 2014 et début des cours le 15 février 2015). Cécile Dejoux est professeur de management au CNAM et également auteur du livre Manager et Leardership (Dunod, 2014).

Nous réfléchissons à l’idée d’intégrer des MOOC dans les offres de formation proposées en interne. Nous sommes conscients que cela implique de réserver du temps aux collaborateurs pour suivre le rythme du MOOC, mais aussi de créer en interne une dynamique d’animation de MOOC, par exemple en réunissant les collaborateurs à une fréquence définie (meet-up). Cette dynamique de coaching est nécessaire pour permettre aux collaborateurs de rester plus engagés, mais aussi de tirer plus de profit de cet apprentissage, d’apprendre mieux. L’animation devient alors une nouvelle compétence du responsable training development.

Personal knowledge management: être en veille et collaborer pour rester dans la course

En lien étroit avec les MOOC, il y a ce qu’Harold Jarche appelle le Personal Knowledge Management (PKM) ou Personal Mastery, même si le terme existait bien avant lui. Il s’agit d’avoir une démarche personnelle de recherche d’experts sur un sujet et de se donner les moyens technologiques de les écouter, de les suivre quotidiennement et d’en partager les idées avec ses collaborateurs. Les applications pour suivre les TED conferences permettent de suivre les conférences vidéos d’experts internationaux en mobilité. Avec l’application Flipboard, fondé sur l’agrégation de flux issus de sites d’information ou de ses propres réseaux sociaux, on peut réaliser son propre magazine de veille et bénéficier de suggestions de lecture complémentaires. Pour bookmarker sa veille (articles, vidéos, infos issues de réseaux sociaux etc.) et la partager, on peut utiliser l’application multi-supports Pocket.

Cette culture de l’apprentissage nécessite évidemment de vaincre les nombreux freins inhérents au changement (manque de temps, de motivation, etc.). Mais à la vitesse d’irruption de l’information sur internet, de la puissance des moteurs de recherche et de la prégnance de la vidéo, il faut s’organiser pour être en veille permanente, tant pour gagner du temps que pour rester dans la course.

Dans un article intitulé How to Get a Job at Google?  (The New York Times, février 2014), le DRH de Google indique que Google fait beaucoup d’analyses auprès de ceux qui réussissent chez Google afin de déterminer les critères qui doivent être observés au moment du recrutement pour déterminer si une personne va réussir ou pas. Ils essayent d’établir des corrélations en observant ceux qui réussissent et ceux qui échouent. Le diplôme a certes de la valeur, mais n’est pas un critère majoritairement différenciateur. Pour Google, le critère n°1 à vérifier lors d’un recrutement, c’est celui de la passion d’apprendre. Il s’agit d’apprendre à réapprendre, de se réinventer en permanence. À Saint-Gobain, nous devrions davantage tester aussi cette envie lors de nos entretiens de recrutement. Les participants à des communautés spécialisés, les candidats curieux d’apprendre de façon collaborative, via les MOOC notamment, nous intéressent.

Management du changement en formation : comment fédérer les initiatives ?

Il faut bien entendu convaincre à tous les niveaux.

En particulier, il est essentiel d’impliquer davantage les managers(-coachs) dans les enjeux stratégiques d’entreprise apprenante, quitte à parler des MOOCs et PKM lors des entretiens annuels.

E-learning, rapid learning : quelle(s) demarche(s) pour quel(s) usage(s)

Rapid learning : une démarche adaptée aux formations produits et services

 Pour les indispensables formations sur nos produits ou processus de vente, des diaporamas relativement standard peuvent suffire car les apprenants ont un intérêt direct à suivre de bout en bout ces formations.

e-learning dans les fonctions de production

Le e-learning a commencé chez Saint-Gobain dans les fonctions de production en usines. Aujourd’hui, on fait trois fois plus d’heures de formation dans les usines en e-learning que l’on en fait dans les autres services. Pour être habilité à un poste de travail en usine, il y a un parcours d’initiation obligatoire, certifiant, auquel on ajoute une heure d’e-learning mensuelle à effectuer. De nombreux modules de courte durée sont par ailleurs ajoutés tous les mois sur des cas particuliers (gestion des éventuels dérèglements de lignes de production, par exemple).

Favoriser les supports vidéo

Par ailleurs, à Saint-Gobain, nous promouvons l’usage de la vidéo dans nos réseaux d’entreprise et dans nos modules e-learning, qui deviennent ainsi beaucoup plus engageants. La production de vidéos avec un niveau de qualité acceptable devient de plus en plus accessible à tous les curieux. Nous formons nos collaborateurs à la création de vidéo (création, édition, partage). 

Dynamiser les formations présentielles

Nous dynamisons les formations présentielles en favorisant l’interactivité et l’échange. Nous utilisons les technologies pour stimuler la soumission d’idées ou de questions, le vote. Nous favorisons l’activité des participants en alternant sessions de travail en petits groupes et séance plénière. Nous demandons aux formateurs de rendre leurs présentations plus interactives.

À quoi ressemblera le travail demain ?

Le marché de l’emploi évolue dans tous les pays, à des rythmes différents mais avec une tendance croissante à l’organisation en mode projet : les entreprises travaillent en mode projet et les compétences sont réunies au moment du projet. C’est une projection qui peut encore paraître un peu lointaine pour nous, mais pas pour nos enfants. Au-delà du diplôme, c’est donc un devoir pour l’individu de se former en permanence, non seulement en tant que démarche personnelle mais aussi pour maintenir son employabilité.

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© Dunod Éditeur, novembre 2014