Concevoir un dispositif de formation massif et personnalisé aux opportunités du numérique : le cas La Poste

Publié le 20 avril 2015 par Dunod @PratiquesRH

En 2014, le Groupe La Poste a lancé son plan stratégique 2015-2020 – « La Poste 2020 : conquérir l’avenir » – et une nouvelle organisation en cinq branches – quatre branches métiers (Services-Courrier-Colis / La Banque Postale / Géoposte pour les colis express routiers en Europe / Réseau La Poste) et la branche Numérique. Dans le cadre de ce plan stratégique, le volet Formation du Groupe La Poste est doté pendant cinq ans de 450 millions d’euros supplémentaires par rapport aux dépenses annuelles, déjà de l’ordre de 250 millions. Comment faire du numérique un levier de transformation interne et de développement des activités du Groupe ? Comment former 260 000 collaborateurs au numérique et accompagner les managers dans ces évolutions ? Comment stimuler l’innovation et la création de valeur par la transversalité ?

Pratiques RH au quotidien (Dunod) a rencontré Sylvie Joseph, Directrice du programme de Transformation interne au sein de la Direction du Numérique du Groupe La Poste.

Comment est organisé le management de l’activité numérique au sein du Groupe La Poste ?

À l’automne 2012, le Groupe La Poste a choisi de créer une Direction du Numérique afin d’accélérer le développement des différents business numériques qui avaient émergé. Cette Direction du Numérique est devenue une branche à part entière début 2014, pour prendre part à la transformation numérique de la France et créer un nouveau relais de croissance pour le Groupe la Poste.
Dans cette branche Numérique, on retrouve principalement trois grandes activités de business, qui génèrent un CA de 550 millions d’euros, avec une ambition de croissance à 1 milliard en 2020 :
1/ Un business d’accompagnement des entreprises sur la transformation digitale du marketing, de la communication et de la data – c’est le métier de MEDIAPOST Communication (marketing relationnel).
2/ Le plus gros business aujourd’hui, en termes de CA, est porté par DOCAPOST, filiale qui accompagne la transformation numérique de ses clients, en particulier dans leurs processus internes (process facturation, RH, relation client, etc.) via fluidification des écosystèmes d’échanges professionnels (dématérialisation, automatisation des échanges et externalisation des processus métiers).
3/ La 3e grande ligne de business, qui se développe petit à petit, est fédérée sous la bannière laposte.fr. Laposte.fr propose la vente aux particuliers et TPE de produits et de services en ligne – on dénombre quelque 70 e-services : la lettre recommandée, les timbres en ligne customisables, etc.
La branche Numérique sert aussi d’incubateur pour des programmes transverses comme celui de l’Innovation (programme fondé notamment sur une démarche d’open innovation) et celui de la Transformation interne du Groupe.

Quels sont les enjeux du programme de Transformation interne que vous dirigez ?

Dans notre programme de Transformation interne, il y a trois grands sujets :

1/ La rénovation et la transformation profonde du poste de travail pour le rendre plus collaboratif : cela concerne à la fois l’aménagement des espaces physiques des bureaux dont la connectivité des bâtiments, notamment pour faciliter le travail des collaborateurs en mobilité.
2/ La formation de tous les Postiers – les quelque 260 000 collaborateurs du Groupe – au numérique.
3/ La transformation des processus de gestion (gestion RH, relation client…) pour gagner en efficacité, favoriser l’unicité des systèmes partageables et stimuler l’innovation par l’ouverture en transverse des data clients.

Quel est le rôle de la Direction du Numérique dans les activités de formation ?

Aujourd’hui nous effectuons encore 85 à 90% des formations en présentiel, mais ces modalités ne suffisent pas pour former la totalité des collaborateurs : le numérique va donc permettre de former beaucoup plus massivement, en capitalisant aussi sur la généralisation en cours de l’équipement numérique.
Dans le programme de Transformation interne, le projet « Formation au numérique » est animé et incubé par les six Directions de la formation du Groupe qui travaillent en collaboration, avec une coordination assurée par le Directeur de la Formation du Groupe. Nous avons été chargés d’initier un certain nombre de réflexions pour faire en sorte que tous les Postiers soient, à l’horizon 2020, parfaitement à l’aise avec le numérique. Nous jouons en quelque sorte le rôle d’un cabinet de conseil interne.
Nous avons déjà engagé plusieurs projets MOOCs et de parcours e-learning.
Nous accompagnons également l’évolution des compétences numériques nécessaires aux nouveaux métiers, comme ceux liés au Big Data, dans le cadre des travaux GEPC (gestion prévisionnelle des compétences) menés par la DRHRS.

Comment avez-vous conçu le programme de Formation au numérique en fonction des profils ?

Après analyse des convergences métiers, nous avons ramené les 250 métiers du Groupe La Poste à 12 typologies. Pour ces douze typologies (typologie des managers, typologies par métiers opérationnels, typologie des formateurs), nous avons défini quatre niveaux de sensibilisation au numérique, donnant lieu à quatre modules de formation.
Les deux premiers modules de formation au numérique vont être communs à tous : acculturation, partage d’une culture économique numérique et de littératie, surtout, partage de sens. Il s’agit d’appréhender tout à la fois les nouveaux modèles d’affaires en BtoB , BtoC, le renversement du partage de la valeur, l’intermédiation/désintermédiation de la relation client, la relation avec la marque, l’importance du travail collaboratif… Ces modules d’acculturation au numérique sont réalisés en interne, en capitalisant sur les quelque 500 formateurs du Groupe, qui constituent une typologie à part entière. Nous formons les formateurs à former au numérique. En nous appuyant sur des compétences externes, nous formons ainsi un petit groupe de formateurs à la création de MOOCs et à la conception des contenus pédagogiques. Ce groupe « expérimental » formera ensuite ses pairs à ces nouvelles pratiques pédagogiques. Ces premiers modules de partage de sens se veulent donc dynamiques et ludiques, ils prennent la forme d’un MOOC de vulgarisation ludique.
Les deux modules suivants offrent une approche « métier » du numérique, avec des connaissances et des compétences déclinées en trois niveaux selon le profil du collaborateur : débutant / moyen / expert. Un juriste, un financier ou un collaborateur lié aux métiers de communication ou de la relation client n’auront donc pas les mêmes parcours. Les métiers en relation avec les clients doivent, par exemple, savoir utiliser les réseaux sociaux dans un but professionnel. Un marketeur doit connaître le fonctionnement des plates-formes de ad exchange et de data management pour le marché de la publicité à la performance, et comprendre aussi le retargeting, par exemple.
Ces deux modules « métiers » vont ouvrir à des formations qualifiantes dans le cadre des 150 parcours de professionnalisation que nous avons établis (moyenne de 70 heures de formation par parcours).
Soulignons que l’impact du numérique sur le métier de manager fait l’objet d’un module dédié, le management étant une typologie à part entière dans notre cartographie. Cette formation doit répondre à une vraie demande de repères. Le succès public du MOOC du CNAM, Du Manager au leader, illustre aussi la force de cette demande.

Dans quelle mesure le numérique fait-il évoluer la conception des dispositifs de formation et, en particulier, l’appropriation des connaissances ?

Les dispositifs de formation numériques, et en particulier les MOOCs, font évoluer la conception des contenus et transforment la pédagogie. Il faut revoir totalement la manière de construire un cours et de l’animer. Le numérique favorise aussi la formation personnalisée en ajoutant aux évaluations des connaissances ultrarapides de type quiz de nouvelles fonctionnalités de remédiation (renvoi vers des contenus ciblés en fonction des résultats de l’apprenant sur tel ou tel sujet). On limite le temps consacré à ce que l’on sait déjà et on approfondit ce que l’on maîtrise moins. L’organisation du temps de formation de chacun est donc optimisée.

L’intégration de vidéos dans les dispositifs de partage des connaissances est également assez efficace.

Enfin, pour fédérer des pratiques collaboratives autour de dispositifs d’apprentissage, notre nouveau Learning Management System (LMS) va être couplé avec un Réseau social d’entreprise transversal à l’ensemble du Groupe, dans une dynamique de social learning.

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© Dunod Éditeur, avril 2015