La Pensée Balistique

Publié le 23 juin 2015 par Lemondeapres @LeMondeApres

Connaissez-vous la pensée balistique ? Il s’agit de tuer dans l’œuf la pensée de votre interlocuteur pour lui imposer la votre sans même qu’il s’en aperçoive. Comme pour un duel au revolver, il suffit d’être rapide et précis. Nul besoin d’avoir une pensée d’un calibre supérieur aux autres pour que cela marche. C’est très pratique pour se simplifier les petites contrariétés de la vie quotidienne avec un professeur, un représentant des forces de l’ordre, un client, votre patron ou un collègue. Imaginez ce que vous pourriez faire en maitrisant parfaitement ce « revolver pataphysique » qu’est la pensée balistique !

Attention cependant en cas d’addiction : un usage compulsif de la pensée balistique détruit toutes les pensées étrangères à votre cerveau avant même qu’elles atteignent votre conscience. Quand l’enfermement sur soi vous guettera, Il ne restera plus qu’une balle dans votre « revolver pataphysique » et elle sera pour vous.

Depuis Henri Laborit, nous savons que le système nerveux nous sert avant tout à survivre en guidant inconsciemment chacune de nos actions : « Un cerveau ça ne sert pas à penser, mais ça sert à agir ». Dégainer une pensée rapidement sollicite surtout la fonction de mémorisation des situations passées. Réfléchir pour imaginer une réponse nouvelle à une situation déjà rencontrée prendrait trop de temps face à un adversaire « armé ». Notre cerveau nous propose l’action qui a donné le « meilleur résultat » pour une situation similaire. Sa mise en œuvre ouvre deux possibilités : soit on gagne et on domine la situation, soit on perd et on inhibe notre action pour se laisser dominer par la situation maitrisée par son adversaire. « Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent, tant qu’on ne leur aura pas dit que, jusqu’ici, ça a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chances qu’il y ait quelque chose qui change. »

Pour que quelque chose change, il faut exploiter une troisième possibilité qui s’apparente à la fuite. Il s’agit d’essayer de retarder la confrontation le temps de construire une vision globale qui si possible, se nourrit de celle de l’autre pour imaginer une solution nouvelle. « Cela veut dire que toute action fondée sur l’utopie a plus de chance de se révéler efficace que la reproduction balistique des comportements anciens. » nous expliquait Henri Laborit dans le film d’Alain Resnais « Mon Oncle d’Amérique ». C’était il y a 30 ans, on y parlait déjà d’intelligence collective…