L’alibi de la république.

Publié le 23 juin 2015 par Lemondeapres @LeMondeApres

Nous avons besoin des interactions avec les autres pour prendre conscience d’éléments de réalité que notre intuition individuelle ne permet pas de révéler. La valeur que nous accordons à nos actions n’existe dans la réalité que si elle est mesurable par les autres, c’est-à-dire partageable entre des sujets libres. Ces principes permettent de concevoir des pratiques démocratiques qui évitent que l’entreprise ne subisse l’enfermement bureaucratique.

Les principes républicains, chers à Platon, ne suffisent pas pour cela. Appliqués à l’entreprise, ils consistent à remettre sa conduite entre les mains de « sages » supposés plus instruits et plus expérimentés que la masse des employés. Si le rôle de ces « comités de sages », le conseil d’administration dans son ensemble, est essentiel pour définir et protéger un « cadre de gouvernance » adéquat, il ne faut pas assimiler cette fonction avec la conduite opérationnelle de l’entreprise.

Suivons pour cela Aristote et  représentons-nous l’entreprise comme une sorte de « nuage d’intelligence collective » qui l’illumine de l’intérieur. Le bien commun est l’objet permanent des échanges entre ses membres et ses partenaires. La valeur de l’entreprise s’accroit par l’échange qui renouvelle constamment la forme de ses actions par la liberté d’en discuter. Cette orientation s’appuie bien entendu sur le phénomène internet 2.0 mais il dépasse largement son cadre technologique. La référence à Aristote et au débat qui l’a opposé à Platon, permet de situer son enjeu dans un cadre pragmatique qui évalue – depuis 23 siècles ! –  les mécanismes de création de valeur dans les sociétés humaines.

Aristote nous explique que l’alibi de la république sans la démocratie est très pratique. A la fois pour les élites qui se dispensent de répondre de la valeur de leurs actions vis-à-vis du bien commun, et pour le reste de la communauté qui s’épargne les tensions psychologiques inhérentes à l’exercice de leur liberté. Le prix à payer pour se confort relatif est très élevé : la dérive bureaucratique qui rend l’organisation incapable de se corriger de ses erreurs.