« Bonjour, je suis recruteur et je n’aime pas mon job. »

Publié le 17 mai 2016 par Annepestel @AnnePestel

En plus de célébrer mes 29 ans et les 4 ans de mon blog, le mois d’avril fut assez complexe et le temps me manqua pour vous conter mes dernières réflexions en termes de Marque Employeur et de Recrutement. Il y a un mois, j’ai eu le plaisir d’être conviée à #TruParis (merci Laurent :)) et de participer à un large débat autour du métier de recruteur.

La problématique exacte de cet espace « provocation » animé par Christelle Pradier (une de mes supérieures chez Sopra Steria) et Florent Letourneur (Happy to meet you), était la suivante : « Pourquoi autant de recruteurs n’aiment pas leur job ? ». Je vous propose donc de découvrir les points clés de cet échange et interrogations mises en suspens.

Travailler dans le recrutement, c’est mal !

Comme tout espace « provocation », il a été demandé aux participants de « vider leur sac » concernant leur métier de recruteur. Voici les 3 éléments négatifs principaux ressortis concernant leur vécu :

  1. Recruteur : un métier par défaut ? Au cours des échanges, il a été énoncé que le recrutement demeure un passage obligé pour les jeunes diplômé(e)s issus d’études en Ressources Humaines. Un facteur d’entrée imposé par un marché tendu et en manque d’emplois pour ces étudiants en demande.
  1. Recruteur : un métier à vie ? L’étiquette de recruteur serait difficile à enlever et les possibilités d’évolution assez faibles. Sans parler du manque de challenges et de la connotation redondante des missions.
  1. Recruteur : un métier détesté ? De nos jours, le métier de recruteur n’est pas forcément apprécié de tout le monde. D’ailleurs, bon nombre de personnes présentes ont expliqué le mépris ressenti de leurs interlocuteurs dès lors qu’ils disaient qu’ils exerçaient ce métier.

Recruteur, un métier tout simplement mal compris de tous !

Personnellement, j’ai vraiment ressenti un sentiment de malaise causé par l’incompréhension de leur métier – que ce soit de l’extérieur de l’entreprise comme de l’intérieur, malheureusement.

En interne, beaucoup ont dénoncé le côté jugement en termes de volume, dans le sens où plus ils recrutaient mieux ils étaient perçus. Encore une belle sottise à mes yeux, car il n’est pas question de chiffres mais d’humains, et que parfois 5 personnes valent mieux que 20 quand on observe les capacités / performances de chacun ainsi que les coûts en matière d’erreur de recrutement. Mais opter pour la qualité n’est pas chose facile, en particulier quand il est question de faire face à la pression interne, saupoudrée d’un manque de temps et de moyens. De même, le manque de reconnaissance est clairement apparent pour cette catégorie de métier. Une valorisation qui devrait être portée par une  DRH qui se veut totalement « absente » pour certains. À noter que quand je parle de « mise en avant » il n’est pas forcément question de salaire – bien qu’ils aient souligné le revenu maigre lié à la profession.

Comme le souligna Christelle, il faut donner de la perspective au métier de recruteur. Afin d’illustrer ses propos, elle nous compte la fable « Le casseur de cailloux » de Charles Péguy :

« Charles Péguy va en pèlerinage à Chartres. Il voit un type fatigué, suant, qui casse des cailloux. Il s’approche de lui : « Qu’est-ce que vous faites Monsieur ? « Vous voyez bien, je casse des cailloux, c’est dur, j’ai mal au dos, j’ai soif, j’ai faim. Je fais un sous-métier, je suis un sous homme ». Il continue et voit un peu plus loin un autre homme qui casse les cailloux ; lui n’a pas l’air mal. « Monsieur, qu’est-ce que vous faites ? » « Eh bien, je gagne ma vie. Je casse des cailloux, je n’ai pas trouvé d’autre métier pour nourrir ma famille, je suis bien content d’avoir celui-là ». Péguy poursuit son chemin et s’approche d’un troisième casseur de cailloux, qui est souriant et radieux : « Moi, Monsieur, dit-il, je bâtis une cathédrale. » ».

En externe, les caricatures ne manquent pas. On imagine souvent les recruteurs comme des individus obsolètes, incorrects du fait qu’ils ne prennent pas la peine de répondre aux candidatures, trop ouverts aux critiques négatives à l’égard des CV et avec un attrait à la discrimination douteuse. Des personnes diaboliques ayant le droit de vie ou de mort sur la candidature de chacun… Et étant donné l’état du marché foudroyé par le chômage, autant vous dire que l’image des recruteurs n’est pas encore prête à être redorée.

Recruteur, en voie de disparition ?

Le virage digital est un sujet à la mode, mais cette transformation est-elle au goût du jour en matière de Ressources Humaines ? La réponse est bien évidemment oui. Le problème, c’est que l’image poussiéreuse des recruteurs persiste et les études ne vont pas dans leur sens non plus. La réticence au changement est un trait de caractère souligné au sein de la profession – mais encore une fois, ne mettons pas tout le monde dans le même sac ! Vouloir changer / évoluer est une chose, mais il faut également en avoir les moyens et être accompagné. Le fameux virage du digital doit s’opérer à tous niveaux de l’entreprise, sans négliger certaines fonctions-supports telles que les RH. On pourrait penser que les jeunes diplômés seraient plus à même d’être à l’aise dans ce genre de pratiques innovantes appliquées aux Ressources Humaines, mais encore une fois ce n’est pas ce qui ressort des nombreuses conversations lors de conférences comme #TruParis ou bien de mon ressenti à travers mon petit vécu. J’ai rencontré des étudiants qui ne savaient pas ce qu’était LinkedIn, qui refusaient d’imaginer un recrutement basé sur l’utilisation des réseaux sociaux, etc. Un manque de curiosité profond et une prise d’initiative inexistante de la part des formations RH émanant des écoles face à ce sujet 2.0. Bien que nous y venons de manière timide petit à petit :)

En parallèle de cet atelier, j’ai également participé à #TruParis au débat « Les recruteurs viennent de Mars et les opérationnels de Vénus ». En effet, beaucoup de cœurs de métier s’interrogent sur le rôle des recruteurs. Quelle est leur valeur ajoutée après tout ? Qui connait mieux le métier, les compétences et les équipes avec lesquelles le candidat va travailler ? Il persiste un manque de compréhension entre ces 2 parties prenantes qu’il s’agirait de combler au plus vite afin d’éviter les tensions internes…

Recruteur en quête d’espoir d’un monde professionnel meilleur !

Bien que cet article dénonce les méfaits d’être recruteur, il ne faut pas oublier que c’est un métier comme un autre – avec ses bons et mauvais côtés. De plus, je ne cesse de répéter une évidence mais nous sommes en France, et nos racines latines nous poussent légèrement à se plaindre de tout et de n’importe quoi :)

Il s’agit de prendre du recul et de revoir ensemble les éléments plus ou moins faisables qui permettraient, selon les participants présents au débat, de redorer l’image des recruteurs :

  1. Une meilleure appréhension de l’expérience-candidat. Les candidats détestent souvent les recruteurs car ils ne leur donnent pas de nouvelles suite à leur candidature. Ce manque de suivi impactant bien entendu de plein fouet tous les efforts émis en termes de Marque Employeur… Ce qu’il faut noter c’est qu’une grande majorité n’effectue pas cet accompagnement car ils n’en sont pas capables par manque de temps, de moyens. Bien sûr il faudrait avoir un accompagnement personnalisé tout au long du processus de recrutement, on pourrait même aller jusqu’à la notion de coaching des candidats afin de leur fournir une réelle valeur ajouté dès lors qu’ils postulent au sein de l’entreprise.
  1. Une meilleure collaboration avec les opérationnels. Comme souligné plus haut, les recruteurs souffrent d’une incompréhension de leur métier de l’externe comme de l’interne. Mal se sentir au sein de son entreprise de part une ignorance vis-à-vis de leur métier, missions et expertises, n’est pas chose facile à encaisser. Il s’agit de donner de la visibilité à l’ensemble de ces éléments, à redéfinir les rôles et périmètre de chacun et de rappeler au grand désespoir d’un grand nombre d’individus que le candidat-licorne n’est qu’un mythe

Ce fut 2 mises en avant durant les échanges, mais la liste est bien plus longue. Tant d’actions sont à mener pour faire découvrir ce métier des plus passionnants ! D’ailleurs, personnellement, je pense qu’il est plutôt question de vocation. De même, je devrai vous avouer que cela m’a attristé de voir à quel point certain recruteur détestait leur métier. D’un autre angle, cela m’a révolté. Pourquoi ? Tout simplement parce que trop d’individus se plaignent de leur situation et subissent le changement sans prendre en main leur destin. Vous n’aimez pas votre job ? Qu’est-ce qui vous empêche de changer, ou ne serait-ce que de cherche ailleurs ? Ne ternissez pas l’image d’une chose sous prétexte qu’elle ne vous convient point. Il s’agit de comprendre que nous sommes tous différents, nos attentes sont diverses et évoluent avec le temps, et qu’un métier doit se transformer et s’adapter pour survivre.

Conclusion | Comme nous avons pu le voir, le métier de recruteurs ne fait pas fière figure mais ne demande qu’à être redoré. Encore une fois, il ne faut pas négliger certains éléments impactant la vision de cette profession (exemple : les profils recherchés, la reconnaissance en interne, l’appartenance à l’équipe, le vécu en tant que candidat, etc.). Il est rare que j’entende des personnes dire qu’elles aiment leur métier de A à Z. Il existe toujours des éléments dont nous sommes moins « accros ». L’interne compte autant que l’externe dans l’amélioration de la perception de ce métier – élément dont je ne me rendais pas compte avant ce débat. Je n’ai pu cacher ma perception du travail qui dépasse totalement la sphère purement alimentaire (côté Génération Y :)), et je pense réellement qu’une personne ne se levant pas avec entrain pour aller au travail (bon, peut-être pas tous les jours !) ne mérite pas son travail / son entreprise. Comme dirait Confucius : « Choisis un travail que tu aimes, et tu n’auras pas à travailler un seul jour de ta vie. ».

En attendant, comme dirait Laurent : Recruteurs, je vous aime (quand même !)

Auteur : Anne Pestel

Source : image « Bridget Jones » 1 & 2 & 3 & 4 & 5