Socio-performance : rappel sur la théorie des liens faibles.

La vision de la structure sociale du sociologue M. Granovetter est appelée aussi théorie des liensfaibles.Un lien faible est un lien qui attache un individu à une connaissance éloignée, un ami d'ami etc. Laforce de ce lien est bien évidemment faible mais d'un point de vue structurel, ce lien constitue unebase d'échange, de rencontre et de communication forte et davantage disposée à l'interaction ouau lien social qu'un lien fort.

Explications

Les différences avec un lien fort (famille, amis proches) sont :

– la fréquence : on consacre plus de temps à un lien fort

l'intimité (évidente) qui est absente dans un lien faible.

l'émotion, l'empathie sont les caractères des liens forts et non des faibles.

– la réciprocité des services rendus plus élevée dans un lien fort

Ces caractéristiques mettent en évidence que les liens forts ont tendance à se refermer sur eux mêmesalors que les liens faibles ont tendance à être beaucoup plus ouverts. Ce constat révèle quela circulation de l'information entre les proches et la circulation de l'information entre les

« connaissances » sont inégales. Des individus liés par des liens faibles communiqueront

davantage que d'autres liés fortement puisque leurs rencontres sont espacées.Prolonger ce constat en proposition conduit à l'idée suivante : les liens faibles sont beaucoup plusutiles que les liens forts. Selon l'auteur de la théorie, les « liens faibles servent bien souvent à jeterdes ponts locaux entre des ensemble d'acteurs qui autrement seraient isolés, ou encore qui nepourraient se rejoindre que par des détours beaucoup plus longs ».L’importance des liens faibles proviendrait du fait que ceux qui sont des ponts locaux créent deschemins plus nombreux et plus courts. La suppression d’un lien faible engendre, en moyenne, plusde dégâts dans les probabilités de transmissions que celle d’un lien fort.Un message peut atteindre un plus grand nombre de personnes et parcourir une distance socialelus importante quand il passe par des liens faibles.Exemple : si on raconte une rumeur à tous ses amis proches et qu’ils font de même, beaucoup vontentendre plusieurs fois la même rumeur.

Activer un lien faible

Pour atteindre des contacts indirects, un individu doit passer par les liens faibles. Ce type de lien estessentiel quand on s’intéresse à la manipulation du réseau de l’individu. C’est également par ces

liens que l’individu est atteint par des idées, des influences socialement distantes. Les liens faiblesremplissent la fonction de ponts et sont donc importants pour ces 2 raisons.Exemple : les économistesdu travail ont remarqué que les ouvriers américains trouvent plusfacilement un emploi grâce à leurs contacts personnels qu’avec d’autres moyens.Contrairement à notre intuition (nos amis sont plus motivés à nous aider), ce sont desconnaissances (donc liens faibles) qui le plus souvent ont donné l’information à l’individu pour sonnouvel emploi. En effet, les individus avec qui on est faiblement lié ont tendance à évoluer dans descercles différents et ont donc accès à des informations différentes de celles qu’on reçoit. Ainsi,l’effet de structure est plus important que l’effet de motivation. Le contact n’appartient en fait quede manière marginale au réseau courant de l’individu. Mais d’où venait l'information que ce contacta donné à l'individu ? On pouvait s’attendre à ce que, comme dans le processus de diffusion desrumeurs, des chemins assez longtemps aient été suivis. Or, l’information provenait souventdirectement de l’employeur, ou presque. Donc, pour certains objectifs importants, il peut suffired’analyser des réseaux égocentriques constitués d’un individu, de ses contacts et de ceux de cedernier.Ainsi, du point de vue de l’individu, les liens faibles peuvent permettre de se saisir d’uneopportunité de mobilité. A un niveau plus macroscopique, ils favorisent la cohésion sociale :quand un homme change d’emploi, il passe d’un réseau à un autre mais en plus il établit une liaisonentre ces deux réseaux. Dans les milieux professionnels clairement définis et de taille réduite, celaengendre des structures complexes de liens faibles qui jouent le rôle de ponts entre les groupes pluscohérents de réseaux actifs : les idées et les informations circulent mieux et un « sens de lacommunauté » se développe.

Liens faibles et développement d'une communauté

Pour quelles raisons certaines communautés parviennent-elles plus facilement à s’organiser demanière très efficace pour atteindre des objectifs communs ?Considérons une communauté totalement divisée en clans : chaque individu est en relation avec lesautres personnes du clan mais avec aucune personne extérieure. Cette communauté aurabeaucoup de difficultés à mettre en place une organisation. On pourrait informer les individus via les médias mais cela n’aurait aucun effet car les gens agissent rarement sur base d’une information donnée par les mass média. Et si un clan s’engageait en faveur d’une organisation, l’enthousiasme ne se transmettra pas aux autres clans. Il devra se développer indépendamment dans chaquegroupe pour que l’organisation réussisse à se développer.Le problème de la confiance est étroitement lié à ce qui vient d’être dit. Pour qu’un individuaccorde sa confiance à un chef, il faut qu’il ait des contacts personnels avec des individus qui jouentun rôle d’intermédiaire. La confiance qu’un individu accorde à un chef est liée à la capacité qu’il ade prévoir et d’influer sur son comportement. De l’autre côté, un chef a peu de raison d’être attentifà l’égard d'individus avec qui il n’a pas de relations. Ainsi, la fragmentation d’un réseau (endiminuant le nombre de chemins unissant un chef à ses sujets) rendrait impossible la confiance queceux-ci pourraient avoir en ce chef.

La piste à suivre pour une réflexion structurale de la socio-performance                        

Les expériences personnelles des individus dépendent de certaines aspects de la structure socialequi se situent à un niveau plus élevé, au-delà de la porté ou du contrôle des individus. Ledéveloppement de la théorie sociologique passe donc nécessairement par une analyse desrelations entre les niveaux micro et macro. Cette analyse met en lumière des paradoxes :

– Les liens faibles apparaissent comme indispensables aux individus pour saisir des opportunités

et pour leur intégration sociale.

– Au contraire, les liens forts, qui engendrent la cohésion sociale, se traduisent par une fragmentation de l’ensemble social.

Ecrit par : Laurence Saquer, planneuse stratégique et sociologue

Posté par : Sophie Demol

Publié sur : levidepoches/planningstratégique

Pour plus d'informations, cliquez ci dessous pour lire le rapport d'innovation "La socio performance" réalisé par les membres de Courts circuits.

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