Le Recrutement 3.0 selon Lilian MAHOUKOU

Lilian MahoukouA la fin de mon dossier sur les dernières tendances du recrutement on line (les nouveaux acteursles nouvelles techniques et approches et le Recrutement sur Facebook et Twitter), j'ai souhaité ouvrir une réflexion sur ce que pourrait être le Recrutement de demain.

Plutôt que d'y réfléchir tout seul, j'ai eu l'idée d'interroger les plus grands experts du Web 2.0, des RH 2.0, du e-Recrutement et du Recrutement 2.0, des Réseaux sociaux, de l'Identité Numérique, du Community Management, ... pour connaître leur point de vue

J'ai alors lancé le projet "Interview Express sur le Recrutement 3.0" en sollicitant une cinquantaine d'experts via des messages privés sur Facebook ou des DM (Direct Message) sur Twitter.

Je leur ai posé une seule question : "Après le e-Recrutement et le Recrutement 2.0, comment imaginez-vous le Recrutement 3.0 ?

Les contributions de Vincent ROSTAING, Pierre DENIER, Carole BLANCOT, Laurent BROUATFlavien CHANTREL, Manon SCHMIDLIN, John TOUTAINSandrine AVENIER, Vincent GIOLITO et Christophe PATTE sont déjà en ligne sur ce blog et vous pourrez découvrir prochainement celles de Fadhila BRAHIMI et Vincent BERTHELOT, en attendant celles imminentes d'Emilie OGEZ, Sophie GIRARDEAU, Florence SINOIR, Sylvaine PASCUAL, Stéphane LANGONNET, Dan SERFATY, Frédéric CHANCHOLLE, Olivier FECHEROLLE, Fabrice LANDOIS, Jean-Marie BLANC, Stephen DEMANGE, …

Aujourd’hui : Lilian MAHOUKOU !

Mini-bio :

Développeur de communautés et de relations pour l'agence marketing de bouche-à-oreille londonienne 1000heads, Lilian est également rédacteur sur les blogs Doppelganger.name (Challenges émergents pour l'emploi et les RH, @doppeltweets) et Webmarketing & co'm (Marketing & Nouveaux Médias, @webmarketingCOM). Il lance Tuttle Paris (@TuttleParis), une rencontre informelle et mensuelle sur les médias sociaux, qui contribue au mouvement international lancé par Lloyd Davis (fondateur de Tuttle Club London et du concept). Vous pouvez vous connecter à lui sur Twitter @LilianMahoukou et/ou sur Linkedin http://fr.linkedin.com/in/lilianmahoukou

Itw Xpress :

Lilian, après le e-Recrutement et le Recrutement 2.0, comment imagines-tu le Recrutement 3.0 ?

La photographie d’une foule est sans doute un point de départ intéressant pour parler des possibles évolutions du recrutement et de l’adoption non négligeable des médias sociaux à terme. Pour nous, il s’agit d’un moment où les entreprises pionnières ont déjà pas mal de retours d’expérience et servent de benchmarks, d’exemples pour d’autres qui s’y mettent. Cela suppose aussi une acceptation culturelle et une cohérence organisationnelle plus importantes, et une position plus avancée sur la courbe d’adoption de technologies sociales.

       crowded place

Pionniers, engagement et relations durables

Certaines organisations sont exemplaires car elles font le premier pas, et se lancent dans l’aventure d’un recrutement différent et plus conversationnel. Les pionniers jouissent d’une réputation et d’une image de gagnant. Cela dit, il convient de faire une ferme distinction. Lesquels ont une réelle intégration des médias sociaux ? Lesquels ont une vraie qualité dans l’engagement et aujourd’hui quelle est la santé des relations entamées il y a plusieurs mois ?

Comme sur un CV, il y a les bonnes comme les mauvaises expériences. Le nombre d’années en activité a-t-il vraiment de l’importance ?

Si l’on prend le sens anglo-saxon de la notion d’engagement, il s’agit de toutes les mesures visant à prendre contact, à se rapprocher des membres d’une communauté, à jouer sur la proximité, à être à l’écoute et disponible, à ne pas ignorer mais à réellement participer aux conversations.

Un membre “engagé” est caractérisé par son enthousiasme et sa détermination pour ce que vous partagez, son potentiel de réactivité face à vos sollicitations/messages, son énergie et son comportement très positif.

Parmi les 2,000 followers que l’on peut avoir, lesquels engagez-vous “vraiment” ? Lesquels estimez-vous “être engagés” ? Si les résultats sont en-dessous des objectifs, comment les relever ?

Tout ceci pour aussi dire que la taille de la communauté n’a rien à voir avec l’efficacité des stratégies mises en place. Si l’on parle souvent de ROI pour le marketing mais aussi pour le recrutement, rien ne se passe sans engagement. Les KPI seront certainement plus spécifiques et en lien avec les objectifs de l’entreprise, et l’engagement deviendrait un des enjeux principaux.

Gérer le décalage dans la stratégie “social”

Quelles seraient les conséquences d’un décalage (dans le temps) de l’intégration de la touche “social” au recrutement ? Comment faire en sorte que ce ne soit pas un simple plug-in ?

Demain, ces entreprises qui se lancent en deuxième vague auraient 4 challenges à relever : 

- justifier le mouvement et ne se sentir simplement suivre une mode (compatibilité, cohérence)

- implémenter une stratégie personnalisée en phase avec l’ADN de leur propre organisation

- rester connectés aux dynamiques émergentes

- rebondir sur l’ensemble des informations collectées issues de l’observation (business cases, benchmarks)

Au bout du compte, s’agirait-il vraiment d’un décalage ? La phase d’observation pourrait être mise à profit, en listant les succès mais surtout les erreurs pour en tirer des enseignements. Cela dit, rien ne vaut une véritable expérience avec ses propres ressources, contraintes et objectifs pour encore mieux apprendre.

Il y a certes des “best practices” déjà en place, largement partagées en ligne et connues. Cependant, simplement faire comme le leader n’a pas de sens. Chaque organisation dispose de son ADN et évolue dans des conditions singulières. Cela donne aussi quelques pistes pour le choix du professionnel indépendant ou du cabinet qui souhaite conseiller dans la démarche. Partent-ils de vous ou bien d’histoires à succès ?

Social. Plus loin que le 2.0 ?

“Recrutement 2.0” est souvent employé pour parler de l’évolution du recrutement, de la perte d’efficience des jobboards et des banques de CV, ainsi que de la montée en flèche des médias sociaux. Il est vrai que ces technologies permettent de créer du contenu et de gérer des relations à distance, mais 2.0 peut sonner assez « outil ».

Tara Hunt a écrit un livre intitulé “Facteur Whuffie”, qui reprend le concept de monnaie sociale. Ce terme a été créé par Cory Doctorow dans son livre de science-fiction “Dans la dèche au Royaume Enchanté”. Il y décrit une société (Bitchun Society) où tous les besoins financiers sont comblés et seules les contributions aux communautés sont prises en compte (et calculées). Ce sont les actes de générosité qui nous intéressent ici. En tant que recruteur, que vais-je donner sans attendre de contrepartie financière ? Comment contribuer aux communautés et au bien-être de ses membres.

C’est aussi là que la notion de travail émotionnel repris par Seth Godin dans son dernier ouvrage “Linchpin” entre en jeu. Un recruteur qui ne fait que suivre des process a moins d’impact que celui qui cherche à occasionner une émotion positive.

Social ? C’est aussi avoir une focalisation sur la création d’un lien fort, et de ne pas se limiter aux profils en ligne. Bien au contraire, les outils en place sont sélectionnés en fonction d’objectifs et d’usages précis, et vont faciliter des rencontres en face-à-face.

Dans le cas d’une entreprise internationale, une stratégie glocale semble adaptée; à savoir une trajectoire générale et des spécificités locales. S’il est, effectivement, assez difficile de rencontrer (en face-à-face) des candidats potentiels à l’opposé du globe, qui le fera ? Et dans quels contextes ?

Le nouveau chercheur d’emploi voit la vie en vert

N’est pas un chercheur d’emploi. Du moins, il se détacherait de cette image et de cette posture d’attente qu’une offre se mette sur le marché. On passerait ainsi d’une logique réactive à une logique proactive, où le CV n’est plus LE document de référence. Les espaces digitaux sont illimitées, les personnes dont l’utilisation est la plus écologique et la plus remarquable savent qu’ils sont en compétition avec le monde; à cause/grâce au développement de technologies collaboratives permettant le travail à distance et à l’ouverture de certaines organisations. Il y a beaucoup moins de barrières géographiques et nos différents moments sur les médias sociaux le prouvent. Les barrières linguistiques demeurent mais ne peuvent constituer un avantage significatif et durable.

Le nouveau chercheur a conscience que le personal branding existe et contribue à sa position actuelle. Il s’attache à se mettre au service du collectif et à concevoir des objets sociaux qui lui permettront de démarrer des conversations déterminantes. Il a une gestion budgétaire rigoureuse et se rend très mobile pour participer aux événements principaux. Il a une connaissance plus affinée du cycle de recrutement et agit en véritable “business developer”, de par la recherche de synergies, la proposition d’aides et un effort de co-création d’un poste (en intervenant bien en amont de la définition finale du besoin de recrutement). Il dispose d’une vision du monde spécifique et d’une “voix distincte” qu’il utilise à travers l’écriture, la prise de parole ou d’autres activités pour narrer des histoires authentiques.

Ecologie et créativité, deux notions qui justifient cette coloration verte.

La notion de travail évolue aussi. Celui étant rémunéré n’est pas le seul à être considéré. Les activités collaboratives, extra et informelles ainsi que le volontariat sont des moyens de valoriser ce qu’il sait faire mais aussi d’explorer de nouvelles compétences. Du coup, nous basculons dans une économie de la réalisation plus élargie en incorporant (justement) les résultats de ces nouvelles formes de travail.

Pour le recruteur, il y a une intensification des efforts de séduction dûe à une visibilité accrue du candidat. Comment ne pas tomber dans une guerre des salaires et valoriser les autres éléments du poste ? Comment évaluer les réalisations citées ci-dessus ? Le mimétisme propre à l’Homme augmenterait la présence de ces profils verts et intensifierait également la concurrence entre les candidats. Cependant, ils resteront sans doute une minorité pour un bon moment, à cause de la résistance au changement de la masse et à l’attachement aux tests, aux CV, etc...

Nous parlions d’engagement

L’engagement des candidats potentiels est une chose. Celui des collaborateurs actuels en est une autre. Il est souvent considéré de scinder un groupe de collaborateurs en trois parties :

- ceux étant complètement désengagés (à la limite de déposer leur lettre de démission, comportements négatifs, sabotages)

- non engagés (font le travail qu’il faut, ni plus, ni moins)

- engagés (travaillent avec passion et enthousiasme, en font souvent plus que ce qui a été demandé, peps)

Il paraît utopique de tenter d’avoir toute son organisation engagée, néanmoins il convient de développer une stratégie d’engagement en interne. Si l’on inclut le facteur WOM (bouche-à-oreille), une mauvaise qualité des relations internes, une absence de dialogue, un manque d’écoute, une circulation exclusivement top/bottom, un manque de reconnaissance, etc... sont d’autant d’éléments qui vont inhiber les efforts de recrutement. Aujourd’hui plus que jamais, les personnes sont interconnectées sur les réseaux sociaux et peuvent facilement entrer en contact. Ce point est encore plus important lorsque quelques collaborateurs créent régulièrement du contenu et disposent d’une présence importante sur le web.

Cet engagement interne est une composante de la marque employeur, qui est en fait un produit, une résultante. Ainsi, pour les entreprises se lançant dans l’implémentation à 360° d’une stratégie de marque employeur, la partie externe ne peut suffire. Et comme on l’a vu, un faible niveau d’engagement interne peut rendre inefficace les efforts d’engagement en externe.

Des communautés multiples à engager

Recrutements pour le département marketing, finance, commercial ? Pour la France ? Les Etats-Unis ? Le Brésil ? On perçoit les enjeux d’organisation d’une macro-communauté aux visages multiples ? La constitution d’une véritable équipe et l’allocation suffisante de ressources globales, sont autant de déterminants du succès. Créer du lien bien en avance et en amont des besoins de recrutement est primordial. Le travail de sourcing et de recherche s’en voit enrichi par le travail de monitoring et d’analyse.

Pour éviter de se noyer dans une masse de données et dans un souci de qualité, le volume de profils suivis ne peut être conséquent.

En plus des candidats potentiels, il y a les ambassadeurs. Il en existe deux types : les collaborateurs actuels et les avocats non affiliés. Les collaborateurs peuvent avoir une action online ou offline. C’est l’occasion de leur laisser prendre des initiatives et soumettre des idées d’engagement.

Pour le deuxième type d’ambassadeur, il s’agit de personnes passionnées et qui ont un vif intérêt pour l’une ou plusieurs de vos activités, et disposant d’une présence web intéressante. Ils peuvent ainsi faire le relais d’informations intéressantes liées à des expériences-clés.

Et finalement, il y a les éclaireurs, les personnes qui peuvent donner de l’insight, des pistes précises sur des profils. Ils disposent d’un réseau important et peuvent jouer sur les liens faibles pour des challenges spécifiques (important dans un contexte où les délais de recrutement et d’intégration sont très courts).

Vers un Recrutement zen ?

Garr Reynolds commence son ouvrage « Presentation Zen » avec une explication sur la nécessité d’aborder certains sujets avec l’œil du débutant. Si l’on regarde le marché de l’emploi et plus particulièrement le marché français, on voit le diplôme roi prévaut. Aujourd’hui, suffit-il vraiment ? On peut très bien tomber dans le cas du collaborateur « bien » diplômé mais sans réel engagement et s’en tenant au minimum, ou bien dans celui du collaborateur « chasseur de primes » uniquement intéressé par les gains financiers.

Sur le long terme, il faut certes un niveau suffisant mais surtout une capacité à apprendre de nouvelles choses, une passion pour ce que l’on fait et une forte curiosité intellectuelle pour découvrir des terrains vierges.

Les profils dits atypiques peuvent en fait être de réels atouts stratégiques, du fait qu’ils sont nourris d’expériences différentes et ne vont pas forcément reproduire les mêmes schémas de pensée. C’est une réelle opportunité pour innover et avoir un élargissement du champ de perception d’un même challenge.

Les compétences transférables et le changement de carrière sont à valoriser. Ils démontrent un intérêt du candidat pour associer ce qu’il peut faire aux objectifs de l’entreprise, une tolérance au risque et une capacité à vendre son projet professionnel.

D’un point de vue concurrence et « lutte pour les potentiels », il est vraiment avantageux d’opter pour un recrutement zen. Pendant que la majorité se bat pour des profils connus et habituels, les entreprises optant pour le recrutement zen s’attacheront à prendre le risque d’aller sur des « potentiels au profil atypique ».

Merci Lilian !

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