Cooptation 2.0 ou "déportalisation" de l'offre d'emploi ?

La cooptation, du latin cooptatio, est parfois de nature à le perdre…son latin. En effet, cette « méthode » appliquée au recrutement n’est pas nouvelle (Une grande société des technologies et des services liés au document, appelons la X ;-) la pratique depuis toujours). Elle est aujourd’hui, de l’avis même des recruteurs, un canal majeur de sourcing. De sourcing d’abord. Car la cooptation n’exonère pas du process de recrutement et n’est donc nullement une garantie de bonne fin. Le raccourci méritait d’être développé.

L’enquête « sourcing cadres 2012 » de l’Apec (qui n’est donc valable que pour les cadres) nous en apprend un peu plus sur ce canal : près de 4 entreprises sur 10 ont déclaré avoir utilisé la cooptation de leurs salariés comme outil de sourcing, un taux stable par rapport à l’année précédente. Ca se gâte lorsqu’il faut piocher dans le portefeuille car elles ne sont plus qu’une sur dix (11 %, soyons précis) à encourager formellement ce canal auprès de leurs salariés par la mise en place d’un incentive (prime et/ou cadeaux). Des disparités fortes existent toutefois autour de cette moyenne, liées notamment au secteur d’activité de l’entreprise*.

Cooptation : avec le collaborateur, ça marche mieux…

Résumer l’intérêt de la cooptation en quelques mots-clés : rapide, pas cher, réseau et prime… me semble un peu réducteur. Un des fondamentaux de la cooptation (mode de recrutement consistant, pour une assemblée, à désigner elle-même ses membres) me semble le grand oublié de cette liste : le collaborateur de l’entreprise et ce, quel que soit son intérêt au final : intellectuel, stratégique, financier voire totalement désintéressé.

Résumons-nous donc encore. Un canal de sourcing qui fonctionne bien et qui contribue parfois jusqu’à un ¼ des recrutements, un principe de partage d’information auprès d’un réseau… Internet ne pouvait rester insensible à ce canal plus longtemps.

Dès la fin de l’année 2005, Jobmeeters (un pure player) et Cooptin (issu du jobboard Keljob) débarquent sur les écrans. Ces 2 acteurs nous promettent du e-rh et de la e-cooptation (à cette époque, rajoutez un e- devant un service était une quasi obligation, au risque de passer pour le dernier des ringards. Il est probable que le m- connaisse le même succès dans les mois à venir !). Ils s’éteignent tous deux entre mi 2008 et mi 2009, rattrapé par la crise naissante, (et l’absence du collaborateur de l’entreprise dans le circuit ?) malgré un joli succès côté candidat avec près de 15 000 membres sur ces plateformes. 

Les médias sociaux ou le second, second souffle de la cooptation ?

Chat échaudé craint l'eau froide ? Pas les médias sociaux. Et de nouveaux services ont vu le jour : à la e-cooptation succède la cooptation 2.0 !

MyJobCompany et Keycoopt illustrent ces nouveaux modèles. Et une première question se pose : réussiront-ils là où leurs prédécesseurs ont échoué, ou pour le moins abandonné, au seul motif que le web est désormais beaucoup plus social et encourage au partage? (encore balbutiant lors des années 2006 - 2008). On ne peut que leur souhaiter ! Tout ce qui peut développer l'adéquation de l'offre et de la demande est bon à prendre, non ?

J’ai, pour ma part, une remarque. Il me semble que ces nouveaux services ne possèdent plus qu’un très lointain lien de parenté avec la cooptation. Les entreprises utilisant ces services sont prêtes à payer un « inconnu » qui dénicherait pour elles la perle rare. Elles ne sont, pour mémoire, qu’une sur dix à accepter ce principe vis-à-vis de leurs propres collaborateurs (??)  Reste 10 % du marché toutefois.

Et plus de levier collaborateur non plus, car la parole de l’entreprise, son offre d’emploi en fait, n’est plus portée par lui. Difficile pour le coopté d’avoir un avis éclairé sur l’entreprise, son ambiance et l’offre, au-delà d’un classique descriptif virevoltant de widget en widget, dans un modèle hybride (mi jobboard, mi diffuseur).

Vers le cloud recruiting ?

J’ai relevé, sous la plume même d’un des fondateurs de MyJobCompany le terme de cloud recruiting (le portage de l’offre par les internautes sur les réseaux sociaux ), qui me semble en effet plus approprié et plus juste (plus 2.0 aussi, ne nous le cachons pas ;-) que celui de cooptation pour décrire l'hybride évoqué plus haut. 

Ce terme pourrait également s'appliquer à l'ensemble des outils favorisant le partage d'une offre sur les réseau : depuis les applications facebook du type Work4us jusqu'aux widgets de partage présents sur la plupart des sites internet d'offres d'emploi (jobboards, réseaux professionnels et site carrière de l'entreprise). 

Il est toutefois un levier conservé par ces nouveaux modèles : celui de la rémunération du cloud recruiter (va pour cette appellation !). Faire plaisir en proposant un job à son réseau et se faire plaisir en touchant la prime. Voilà la mission du cloud recruiter ! Attention qu'il ne devienne pas chasseur de primes, ce serait vraiment trop 1.0. 

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*Sans surprise, les entreprises informatiques aux profils pénuriques sont les plus consommatrices de ce canal (67 % contre 40 % en moyenne) qu’elles formalisent majoritairement par l’octroi de primes/cadeaux (79 % contre 11 % en moyenne)