La rentabilité, la productivité et le travail


Chers lecteurs,
En ligne depuis le 2 mai, vous avez été 290 à répondre au « sondage du moment » qui avait pour question : « Quel est à votre avis, la priorité pour améliorer le travail aujourd'hui ? ».
Vos réponses sont pour :
- 38% prendre le temps de faire du travail de qualité (108 votants).
- 23% arrêter la course à la rentabilité et la productivité (65 votants).
- 17% travailler mieux et tous (51 votants).
- 15% augmenter les salaires (43 votants).
- 7% travailler moins mais tous (23 votants).
Une nette majorité se dégage en faveur de « prendre son temps pour faire un travail de qualité » et « d’arrêter la course à la rentabilité et la productivité ». A l’aune de la crise, ces deux dernières notions : rentabilité et productivité marquent de leur sceau nos économies modernes et notre quotidien. En effet, bien souvent reprisent par les différents médias pour éclaircir notre compréhension des délocalisations, de la désindustrialisation et du coût du travail qui préoccupent tant nos chefs d’entreprises, elles nous sont devenues familières. Malheureusement, chacun d’entre-nous mélange, confond et amalgame ces deux notions. Il est donc intéressant de s’y pencher et de bien les définir pour comprendre leurs importances, mais aussi leurs différences.
1) La rentabilité.
C’est le revenu d’une entreprise. Pour la mesurer, de façon simpliste, il suffit de soustraire aux capitaux engagés les revenus réalisés. A ne pas confondre avec la notion de profit ou de marge qui est le rapport entre le revenu et le chiffre d’affaires.
La rentabilité recouvre de nombreux enjeux dans nos économies policées comme la performance, le niveau d’investissement, la confiance… C’est le cœur nucléaire du système capitaliste ! Notion à l’origine de la conceptualisation du coût du capital, importée directement des USA, connue aussi sous le sobriquet de ROI (Return On Investment) et pour nous frenchies de RSI (Retour sur investissement). C’est dans les années 60 que General Motors, désireux de développer sa gestion financière, remet au goût du jour cette notion de rentabilité ; qu’elle emprunte allègrement aux méthodes de gestion de Du Pont de Nemours, qui dans les années 20 développe pour la première fois la financiarisation des décisions d’entreprises. Depuis, celle-ci n’a fait que progresser sous l’impulsion des politiques libérales et du développement des marchés boursiers. Prenant de plus en plus de place dans la stratégie des entreprises et le pas sur la vision industrielle et/ou de croissance et/ou de politique commerciale. Les marchés investissent leurs capitaux et s’attendent à des revenus élevés à court terme. C’est l’avènement de la course à la rentabilité, qui n’a qu’un objectif la baisse des coûts, principalement par le dumping social.
Ce besoin accru de rentabilité a donc un réel impact sur notre quotidien, chacun ressentant la pression et le fort besoin de retour sur investissement, qui nous semble parfois se faire au détriment d’un certain travail de qualité, mais aussi d’un certain bien-être !
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2) La productivité.
Elle mesure le rapport entre le degré de production et deux principaux facteurs : le capital et le travail. Bien souvent, la productivité s’exprime sous forme d’extrant et d’intrant, c'est-à-dire entre un résultat constaté et des consommations réalisées.
Simplifions notre approche en limitant nos intrants à un facteur, qui nous intéresse tout particulièrement : le travail. Nous retrouvons alors deux types de ratio de productivité :
- réelle, la mesure entre deux quantités physiques dans une période temporelle : 10 boulons produits par 2 ouvriers en 1 heure.
- financière, la mesure entre deux unités financières : chiffre d’affaires sur coût du travail.
Intéressons-nous au premier de ces ratios. Pour l’augmenter et donc réaliser des gains de productivité, il suffit de produire plus avec moins d’intrants ; c'est-à-dire avec moins de main d’œuvre ou dans un moindre temps.
Produire plus et plus rapidement est essentiel pour nos économies, c’est grâce à l’augmentation considérable de la productivité au 20ème siècle que nos niveaux de vies ont crû et se sont nettement améliorés. Gagner en productivité est donc une bonne chose. Mais tout dépend à qui profite ces gains…
Reprenons, notre exemple de boulons et imaginons que nos 2 ouvriers produisent 20 boulons en 1 heure. Trois possibilités s’offrent à l’entreprise :
- Vendre au même prix ces 10 boulons supplémentaires et augmenter les revenus de l’entreprise. Mais alors quid de la destination de ce bonus ? Tout aux actionnaires, aux ouvriers, partage équitable entre les deux, réinvestir le tout…
- Vendre à un prix moins élevé, l’offre de produit augmente, mais la demande est la même, pour la stimuler une baisse des prix semble bien venue. Sans compter que le coût de production unitaire à baissé (le coût des 2 ouvriers et à réparti sur 20 boulons et non plus sur 10). Avec cette solution, c’est donc aussi le pouvoir d’achat des ouvriers qui augmente, le boulon étant moins cher qu’avant… Alors que choisir hausse des revenus de l’entreprise ou baisse des prix du boulon ?
- Décider de ne pas produire ces 10 boulons en plus, car le marché est saturé, l’alternative est donc la diminution du temps de travail 10 boulons produits par 2 ouvriers en ½ heure.
Au final les solutions sont nombreuses, mais une chose est sûr ce sont toujours les profits qui augmentent ! Tout n’est alors qu’une question de partage, mais aussi de choix de sociétés.
Et pour poursuivre cette réflexion, rappelons-nous que les travailleurs français sont parmi les plus productifs du G7. En effet, selon les chiffres communiqués en 2010 par l’office nationale des statistiques, la France arrive en deuxième position, derrière les USA, sur un ratio de productivité par travailleur, et à la troisième place, derrière les USA et l’Allemagne sur un ratio de productivité par heure travaillée. Alors que la France engrange depuis de nombreuses années des gains de productivité et que ceux-ci ont toujours comme conséquence l’augmentation des profits. Une question se pose : mais où va donc toute cette production richesse ?
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Vous laissant réfléchir à cette question et dans l’attente d’échanger avec vous sur ce sujet. Je vous propose un « nouveau sondage du moment » :
« Quelle est la première idée que vous associez à la retraite ? »
- « … La possibilité de pouvoir commencer une nouvelle vie … ».
- « … Un sentiment de vide, d'isolement … ».
- « … Pouvoir enfin pratiquer vos loisirs/activités préférées … ».
- « … L'angoisse de plus être "utile"… ».
- « … Profiter mieux de votre famille et de vos proches … ».