Contrat de sécurisation professionnelle renforcé ou sécurisation électorale ?

Suite à une réunion spéciale du gouvernement, Jean-Marc Ayrault a annoncé la mise en œuvre d’un « Pacte d’avenir » pour résoudre la crise qui frappe la Bretagne.

Les 900 suppressions d’emploi de l’abattoir Gad de Lampaul-Guimiliau s’ajoutent à celles de Doux, Marine Harvest, Jean Caby, Tilly-Sabco et à celles d’Alactel-Lucent prévues à Rennes en 2014.

Crédit photo : gouvernement.fr

Crédit photo : gouvernement.fr

Les principaux ministres engagés dans l’action économique et sociale de l’Etat en faveur de la Bretagne étaient présents.

Ce « Pacte d’avenir » comprend des mesures d’urgence à mettre en œuvre immédiatement mais aussi des actions plus durables qui seront formalisées d’ici la fin de l’année après concertation.

Le Préfet de région sera chargé d’engager avec le conseil régional et toutes les collectivités territoriales une négociation effective de ce « pacte d’avenir » pour la Bretagne.

Pour ces mesures d’urgences afin de faire face aux plans sociaux qui frappent le secteur de l’agroalimentaire en Bretagne et afin de financer les investissements des entreprises fragilisées, une enveloppe de 15 millions d’euros est débloquée.

Selon le gouvernement, l’abattoir Gad de Lampaul-Guimiliau devrait être repris par la communauté de communes de Landivisiau.

Pour les salariés licenciés dans le cadre du plan social, il leur sera proposé l’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle avec une formule « renforcée » leur permettant de bénéficier de 97% de salaire net antérieur pendant un an. Ils auront un accompagnement renforcé par Pôle emploi, avec 1 expert pour 20 salariés (contre 1 pour 50 habituellement) et un volet formation opérationnel. Pendant cette année et même avant, une solution pérenne d’emploi doit être trouvée par une mobilisation de tous les acteurs du service public de l’emploi et des entreprises de la région.

Une cellule spécifique dirigée par Gilles Ricono a d’ailleurs été créée à Matignon pour assurer un pilotage et un suivi de qualité de la mise en œuvre de ce CSP « renforcé ».

C’est quoi le CSP ?

Créé par la loi du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et de la sécurisation des parcours professionnels, le contrat de sécurisation professionnelle est entré en vigueur le 1er septembre 2011 suite à l’accord des partenaires sociaux du 31 mai 2011.

Pôle emploi est l’opérateur unique de ce contrat. Néanmoins, il peut déléguer l’accompagnement des bénéficiaires à d’autres opérateurs choisis par appel d’offres.

Dans les entreprises de moins de 1 000 salariés, lors d’un licenciement économique ou d’un redressement judiciaire, le CSP est proposé par l’employeur à tout salarié justifiant au minimum de 4 mois d’affiliation pour prétendre au versement de l’ARE. A titre expérimental, sur un bassin d’emploi donné, les demandeurs d’emploi en fin de CDD, de mission d’intérim ou en fin de contrat de chantier, peuvent également bénéficier du contrat de sécurisation professionnelle.

Le délai de réflexion est de 21 jours à compter de la remise du document d’information au salarié.

Tout salarié qui accepte ce contrat, doit bénéficier, dans les huit jours de son adhésion, d’un entretien individuel de pré-bilan, qui peut être suivi d’un bilan de compétences.

Le bénéficiaire a le statut de stagiaire de la formation professionnelle. Il bénéficie d’un accompagnement personnalisé et renforcé de 12 mois suite à l’élaboration d’un plan d’action de sécurisation professionnelle par un référent unique. En cas de retour à l’emploi entre le 6ème et le 12ème mois, le suivi en CSP peut aller jusqu’à 18 mois au total.

Les mesures d’accompagnement du CPS consiste notamment en un bilan de compétences, un appui social et psychologique, la préparation aux entretiens d’embauches, aux techniques de recherche d’emploi, des actions de formation de type VAE ou en une période d’évaluation en milieu du travail (EMT)…

L’allocation de sécurisation professionnelle (ASP) versée correspond à 80% du salaire brut antérieur pour les salariés ayant au moins un an d’ancienneté. Pour les salariés ayant moins d’un an d’ancienneté dans l’entreprise, l’ASP est équivalente au montant de l’ARE que le bénéficiaire aurait perçu s’il n’avait pas adhéré au CSP.

Contrat de sécurisation électorale ?

Syndicats, salariés et chefs d’entreprises font par de leur mécontentement au gouvernement et dénoncent la concurrence déloyale de l’Allemagne dans le secteur agroalimentaire grâce à la circulaire Bolkenstein. Les filières allemandes emploient une main-d’œuvre bon marché des pays d’Europe de l’Est rémunérée sans salaire minimum obligatoire, à 4 ou 5 euros de l’heure.

Pour y répondre, le gouvernement engage une mobilisation hors norme. Mais ne serait-ce pas de la sécurisation électorale, de la câlinothérapie à cette terre socialiste en vue des prochaines Municipales plutôt que d’une sécurisation professionnelle pour les futurs licenciés ?

Le taux de chômage de la Bretagne n’est pas si élevé que cela, atteignant 9,1% au 1er trimestre 2013 selon l’Insee. D’autres régions souffrent plus du chômage et ne bénéficient pas d’un tel engouement gouvernemental : Languedoc-Roussillon 14,5%, Nord-Pas-de-Calais 14,0%, Picardie 12,3%, Provence-Alpes-Côte d’Azur 11,9%, Haute-Normandie 11,7%……

Ce CSP renforcé est présenté comme un eldorado, une chance pour ces salariés licenciés.

Comment le gouvernement peut-il penser que l’on peut se projeter dans un avenir serein et se sentir sécuriser avec uniquement une année d’indemnisation chômage égale à son ancien salaire ?

Le service public de l’emploi sera-t-il enfin efficient pour ces licenciés de la Bretagne et surmontera-t-il ses difficultés de mise en œuvre ?

Beaucoup d’incertitudes planent sur le quotidien de ces personnes et leurs bulletins de vote ne sont pas encore dans l’urne pour les candidats, candidates socialistes.

Pour aller plus loin :

Textes de référence :

  • Arrêté du 9 août 2013 relatif à l’agrément de l’avenant no 2 du 29 mai 2013 portant modification de l’article 4 de la convention du 19 juillet 2011 relative au contrat de sécurisation professionnelle
  • ANI du 11 janvier 2013 pour nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés
  • Loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels
  • Convention du 19 juillet 2011 relative au contrat de sécurisation professionnelle
  • ANI du 31 mai 2011 relatif au Contrat de Sécurisation Professionnelle