Pénurie du personnel médical et difficultés de recrutement

pénurie médecinsChacun peut le constater : il devient de plus en plus difficile de trouver un médecin. Dans les campagnes, c’est la désertification médicale : les médecins prennent leur retraite et n’ont pas de successeurs. Dans les villes, les généralistes sont surchargés et beaucoup refusent des nouveaux patients. Des spécialités comme la pédiatrie, l’ophtalmologie et la gynécologie médicale ont énormément de difficultés à attirer de jeunes professionnels. Les médecins de prévention (médecine du travail, scolaire) sont aussi en déclin. A l’hôpital public, les files d’attente s’allongent aux urgences…

Comment expliquer cette pénurie du personnel médical ? Quelles sont les pistes pour y remédier ? Nous avons demandé à Eric Yaouanc, ancien DRH du secteur de la santé en Bretagne, aujourd’hui consultant au sein d’Abaka Conseil, de nous faire partager les difficultés auxquelles il a été confronté et quelles conséquences ont-elles pu avoir sur son établissement.

D’où vient le problème ?

Dans les années 60, les inscriptions en faculté de médecine ont triplé, passant de 3.000 à 9.000 étudiants par an. Début des années 70, est votée la première convention médicale qui normalise la tarification médicale ainsi que ses cotisations sociales, et donc qui solvabilise la clientèle : la situation financière de la profession médicale attire plus de candidats. Quelques voix s’élèvent alors sur les dangers d’une inflation des effectifs médicaux : les pouvoirs publics ont peur de la flambée des dépenses publiques de santé, et les syndicats professionnels craignent une paupérisation des médecins devenus trop nombreux. Gestionnaires et corps médical se rejoignent pour demander une limitation du nombre de médecins formés, c’est le numerus clausus.

À cette époque, la décision est loin d’être absurde. La demande de soins n’est pas très importante, et les médecins sont loin d’être débordés. Mais les besoins actuels ne sont pas ceux d’hier et n’ont, semblent-t-ils, pas été anticipés. Le vieillissement de la population nécessite à ce titre plus de soins. Les maladies chroniques dégénératives se sont développées. L’aspiration de la population à de meilleurs soins et la pénurie, aggravant les difficultés d’accès aux soins.

Même si le numerus clausus à l’entrée des études de médecine a été largement augmenté dans les années 2000 (passage de 3500 en 1990 à plus de 7500/an en 2013), cette augmentation a un impact décalé lié à la durée des études (de 9 à 11 ans, et parfois plus !).

Cette pénurie produit l’effet d’un repoussoir sur les jeunes générations : les nouveaux diplômés s’installent moins, redoutant d’être piégés comme leurs aînés qui croulent sous la demande. Ils choisissent de plus en plus une activité salariée (hôpital) ou de remplacement de médecins libéraux.

Autre élément démographique, la profession se féminise : aujourd’hui, plus de la moitié des jeunes médecins de moins de 40 ans sont des femmes. Certaines veulent avoir des enfants, veulent garder du temps pour les élever, et n’envisagent plus de consacrer 70 heures par semaine comme le faisaient leurs prédécesseurs.

On voit apparaitre des déserts médicaux dans certaines zones géographiques françaises.

Par ailleurs, des besoins nouveaux voient le jour : il faut plus de médecins dans la recherche, plus de médecins dans de nouvelles spécialités comme les urgentistes, etc…

Quelles solutions pourrait-on envisager ?

Avant d’envisager des solutions, il faut préciser que pourtant la France n’a jamais compté autant de médecins en activité (215 000 en 2013) ! Elle présente en effet un effectif médical qui se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE (Panorama de la santé 2013) – ce qui montre qu’au-delà des chiffres, la pénurie est également causée par des défauts d’organisation de notre système de santé.

Sans parler de solutions « miracles », plusieurs pistes d’évolution sont évoquées par les professionnels et les pouvoirs publics. Pour exemples :

-   Regrouper les structures hospitalières en pôles de compétences correspondant aux

besoins de la population.

-   Déléguer aux fonctions paramédicales certains actes (nécessitant une formation plus

courte), réalisés par les médecins (c’est déjà le cas, notamment, pour les sages-femmes qui réalisent la plupart des accouchements alors qu’ils relèvent normalement de la compétence d’un gynécologue-obstétricien).

-   Revoir la distribution de l’offre de soins, trop concentrée sur les grandes villes et les

régions côtières (notamment du sud), laissant « désertique » certaines parties du territoire. Pourquoi ne pas inciter les médecins libéraux à venir s’y installer (rémunération, formation, mode de travail) ?

RH Cloud >>La presse se fait souvent l’écho de la pénurie de personnel médical. Est-ce une réalité ?

Eric Yaouanc >> C’est vrai. Les Hôpitaux mais également les structures médico-sociales sont confrontés à des difficultés récurrentes pour pouvoir leurs postes vacants. La situation est encore plus tendue en médecine de ville (activité libérale) et plus particulièrement pour la médecine générale.

En France, nous sommes confrontés à un vrai problème de démographie médicale avec une offre très importante de postes face à de nombreux départs en retraite. Cette situation peut aller jusqu’à mettre en difficulté des établissements. La chaine des soins peut être totalement remise en question par l’absence de certains spécialistes : l’exemple des médecins anesthésistes est sans doute le plus criant.

Pour autant, nous n’avons jamais eu autant de médecins en exercice. Le législateur mais aussi les collectivités locales tentent également de réguler certaines disparités géographiques, notamment, par des aides incitant de jeunes médecins généralistes à s’installer en zone rurale. La délégation de certains actes médicaux à des professionnels paramédicaux est également une piste intéressante pour lutter contre la pénurie.

R.C. >>Le recours aux médecins étrangers est-elle la solution miracle ?

E.Y. >> L’harmonisation des Titres et Diplômes au niveau européen facilite l’inscription à l’ordre des médecins des Docteurs d’un membre de l’UE ou de l’EEE. L’article L4111-1 du code de santé publique permet, sous certaines conditions, l’exercice en France pour ces médecins étrangers.

Les exemples d’installation réussie sont nombreux mais nous constatons également beaucoup d’échecs. Une reconnaissance académique ne veut pas dire intégration. La maîtrise de la langue, de la culture, de l’intégration du médecin sur un territoire mais également de sa famille, sont autant d’éléments qui doivent être pris en compte lors du recrutement d’un professionnel étranger.

R.C. >>Face à cette pénurie devons-nous être fataliste ? Que peuvent mettre en avant les établissements pour se rendre attractifs ?

E.Y. >> Dans ce marasme, les établissements, publics ou privés, proposant une activité salariée peuvent tirer leur épingle du jeu. Aujourd’hui, le jeune médecin de cherche plus à s’installer en libéral comme on pouvait le constater dans les années 70 à 90. L’activité en établissement est privilégiée pour la jeune génération.

Pour attirer les candidatures, il ne faut pas hésiter à mettre en avant les éléments périphériques à l’exercice professionnel : présence d’un plateau technique moderne, d’une équipe paramédicale qualifiée, d’un territoire, d’une aide à la mobilité (logement, emploi du conjoint,…). Face à la concurrence, vous devez mettre en avant vos atouts. Les éléments de rémunération sont évidemment déterminants, mais plus globalement c’est l’ensemble des conditions de travail qui peuvent faire la différence lors d’un recrutement (comme, par exemple, l’organisation des gardes et astreintes).

R.C. >>Lorsque l’on recrute, le premier réflexe est de diffuser des annonces dans la presse spécialisée ou régionale. Est-ce le meilleur moyen pour recruter ?

E.Y. >> La diffusion d’une annonce est un moyen parmi d’autres de faire connaître son besoin de recrutement. Comme pour tous types de poste, il est nécessaire de prendre en compte l’état du marché et de définir la méthodologie la plus adaptée. Au sein d’Abaka Conseil, nous souhaitons prendre le temps de définir avec le client l’approche la plus judicieuse suivant le contexte du poste. Nous utilisons essentiellement trois méthodes :

L’annonce : L’intérêt est de rendre visible, au plus grand nombre, votre besoin à un instant T. Pour autant, vous n’avez aucune garantie de toucher votre cible. Le coût est variable selon le support choisi et peut être élevé. Il est donc important de mener une vraie analyse en termes de retombée potentielle pour choisir le bon média. Depuis quelques années, y compris pour le personnel médical, le support papier est de plus en plus concurrencé par le support digital (sites internet).

Le sourcing : Il s’agit de rechercher dans des CVthèques et sur des réseaux sociaux des profils répondants à vos besoins. Un chargé de recherche (le plus souvent au sein d’un cabinet de recrutement) procède à l’exploitation des CVthèques et contacte les candidats potentiels correspondants au besoin de l’établissement.

Le sourcing et l’annonce sont le plus souvent couplés pour une plus grande efficacité.

L’approche directe : Pour la recherche de compétences rares, l’approche directe est le moyen le plus approprié. Cette méthode, aussi appelée « chasse de tête », commence par un vrai travail d’enquête pour rechercher ce que nous appelons dans notre jargon de recruteur des cibles, en d’autres termes la recherche de professionnels aux compétences identifiées et susceptibles d’être intéressés par une mobilité professionnelle. Après identification, notre travail est de parvenir à les contacter, et en quelque sorte leur « vendre » le poste.

L’Ouest et notamment la Bretagne a la chance d’être une région attractive. Nous en profitons pour « chasser » chez les voisins et en Région parisienne.

Les méthodologies, pour le recrutement du personnel médical, sont en réalité les mêmes que pour l’industrie ou d’autres branches professionnelles. Cependant, le secteur de la santé est très particulier et possède ses codes, sa culture. Il est spécifique, aussi, de mener des actions de recrutement dans ce secteur nécessite une bonne connaissance des enjeux, des contextes, et surtout des attentes des différents acteurs (recruteurs et recrutés).

C’est pour cette raison qu’au sein d’Abaka Conseil, nous avons créé un secteur dédié nous permettant de capitaliser nos connaissances métiers et secteur.

(1)   Majoration de 20% des honoraires dans certains cas

Mise à disposition de locaux
Abaka Conseil organise un petit déjeuner avec le Conseil de l’Ordre régional des médecins sur "le recrutement et la fidélisation du personnel médical" le 23/05 de 8h30 à 10h30 à Rennes. Pour en savoir plus et vous inscrire.