Témoignage n° 2

Bonjour Kity et Sammy ! Tout d’abord, je tiens à vous remercier pour la création de ce blog ! Un endroit où l’on peut parler en toute liberté, sans être jugé, et je pense qu’il aide beaucoup de personnes qui sont dans ces différentes situations, qui n’osent pas forcément en parler et qui peuvent y trouver des conseils et se sentir moins seuls face à tout cela …

Je me permets de poster mon témoignage : comment quitter l'éducation nationale ?

Pourquoi témoigner sur ce blog ? Tout simplement pour les raisons citées juste au-dessus : j’espère pouvoir aider d’autres personnes en vous livrant mon expérience. J’avais prévu (et commencé à écrire) un témoignage assez long et précis, mais ce ne sera finalement pas le cas. Eh oui, j’ai eu l’occasion d’échanger avec les créatrices du blog, et celles-ci m’ont proposé de devenir membre à part entière de celui-ci, ce que j’ai accepté avec grand plaisir !     Je vais donc avoir l’occasion de vous livrer, au quotidien, ce qui m’a conduit ici … Merci de me faire confiance :)

Je vais être brève : je ne suis pas en burn-out, et pourtant j’ai vécu une période difficile à cause de mon travail. Je ne suis tout simplement pas à ma place dans le monde de l’enseignement. Ce qui m’a conduit à un mal-être de plus en plus important au travail.

Pas facile en effet de se rendre compte, après autant de sacrifices pour devenir professeur des écoles, que ce métier n’est en fait pas du tout fait pour nous. Oui je parle bien de sacrifices pour devenir prof : valider un master, préparer et passer le CRPE, rédiger et soutenir son mémoire, valider une certification en langue et le C2i2e, préparer la classe pour un jour de décharge par semaine, et le tout en même temps, cela ne laisse pas beaucoup de temps pour se consacrer à ses loisirs … Sans compter toute la pression que l’on nous met pour ne rien arranger. Mais pour moi c’était un mauvais moment à passer pour atteindre mon but ! Même s’il m’arrivait parfois (et de plus en plus souvent) de me demander ce que je faisais là, pourquoi je ne me sentais pas bien, j’ai tout mis sur le dos de cette fameuse pression justement … Et j’ai persévéré, j’ai continué, j’ai consacré deux ans de ma vie à ça … et uniquement à ça …

Après avoir passé cette première grande étape, ça y est, je réalise mon « rêve de petite fille » comme je le disais à l’époque : je suis enfin maîtresse, je vais avoir ma classe, mes élèves ! Terminées les études, je suis passée de l’autre côté de la barrière, je vais m’épanouir et être ENFIN dans le monde du travail ! Et quel travail, celui « de mes rêves ».

Début septembre : me voilà PES, j’ai enfin ma classe, je commence l’année, pleine d’enthousiasme ! Sauf que … mon mal-être que je ressentais à l’époque du master, lorsque j’effectuais des décharges, me reprend, et très vite … Mais bon, je fais mon travail, les élèves m’apprécient, mon MF et ma CPC sont très contents de mon travail … Alors je me dis : « Ce n’est que ta première vraie année, c’est normal de ne pas te sentir bien, continue, tu ne t’es pas trompée » … Alors je continue, je ne me sens pas bien, au fur et à mesure de l’année je n’éprouve plus de plaisir en classe, je m'ennuie, et pire, quand j’arrive à l’école je n’ai qu’une envie : prendre mes jambes à mon cou et partir le plus loin possible !!! Mais encore une fois je me dis que c’est normal, que c’est la première année … Et je suis titularisée !

Début de ma première année en tant que titulaire, et voilà que mon mal-être ne s’est pas estompé, bien au contraire … Et cela s’accroit avec le temps, je ne supporte plus d’être en classe, je me sens tout sauf à ma place, je ne partage rien avec mes collègues, je me sens tellement loin d’eux, loin de l’enseignement, loin de l’enthousiasme que j’avais à vouloir être PE … Et cet ennui encore, à un point ... Ma santé ne suit pas bien évidemment, je n’ai plus goût à rien, je veux juste partir, partir loin des écoles, loin du monde de l’enseignement … Enseigner est un très beau métier, mais il n'est tout simplement pas fait pour moi ... DU TOUT ! Je pense, avec le recul, que le bore-out correspond bien à ma situation ...

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Je commence à passer de plus en plus de temps sur les forums : mal-être des enseignants, envie de partir, comment partir, reconversion, démission … Oui, ma décision est prise, je vais démissionner, quitter l’éducation nationale.

Je pense que je suis enfin libérée, que je vais revivre … C’était sans compter sur l’éducation nationale et son système qui t’emprisonne dans cette prison dorée. Car pour moi c’est une prison : tout est fait pour que tu ne partes pas. Tu entres dans la fonction publique, pour ma part dans l’éducation nationale, tu signes à vie ! Pourquoi tu partirais de toute façon ? Aucune raison voyons …

Alors voilà, je me rends compte que je vais devoir me battre contre cette institution, ce mammouth comme elle est surnommée ! Car on te demande des études très précises pour devenir prof, tu as un master spécifique qui ne te sert qu’à passer le concours, tu n’as que très peu de passerelles si tu veux reprendre tes études (et à condition d’avoir de l’argent de côté, ne compte pas sur l’éducation nationale pour t’aider à partir). Tu traines un lourd boulet qui s’intitule « ex-prof fonctionnaire qui ne sait rien faire d’autre que prof », on considère que tes compétences ne sont pas transférables … Et bien d’autres choses encore … Merci les préjugés … Et pour les personnes comme moi qui ne cherchent pas à se reconvertir dans la fonction publique, les difficultés sont encore plus grandes …

Et malheureusement, je dois rester encore à cette place qui n'est pas du tout la mienne, le temps de trouver un autre emploi (salaire oblige, comme tout le monde ...). J'essaie de relativiser ma situation, après tout d'autres personnes sont dans des situations bien pires que la mienne. Je ne suis pas à plaindre. Sauf que quand on est très mal, qu'on a connu des moments très difficiles, les cicatrices sont toujours là, et on fait ce que l'on peut, on survit dans ce monde professionnel en décalage total avec nous-même. On se sent isolé en permanence ... Mais je suis obligée de rester encore pour le moment, le temps de réussir ma reconversion, c'est comme ça, pas le choix. Vous livrer mon témoignage m'aide à avancer, à supporter cette situation que certains qualifieront peut-être de privilégiée. Je me sens moins seule face à tout cela. Alors un grand merci !

Vous aurez l’occasion de pouvoir suivre les nombreuses difficultés que j’éprouve maintenant pour pouvoir partir, je ne vais donc pas en dire plus ici. Je vais rédiger très prochainement une présentation plus précise de mon parcours, que vous retrouverez dans la rubrique "Mad Beth". Sachez juste que, même si je ne quitte pas l’éducation nationale pour cette raison, j’espère également pouvoir mettre en avant à travers mon témoignage les rouages de ce système qui broie, et contre lequel on est si peu de choses … 

A très bientôt.

Mad Beth