Droit à la déconnexion : un impératif en contexte de télétravail?

La pandémie et le télétravail ont ouvert un nouveau débat lié au droit du travail au Québec : celui du droit à la déconnexion. 

Si un cadre législatif existe déjà en France depuis 2017, cette question fait couler beaucoup d’encre au Québec, encore plus depuis le début de la pandémie et la mise en télétravail de milliers de travailleurs.

Pour nous familiariser avec ce concept juridique, commençons par le définir afin de mieux comprendre les enjeux qui lui sont liés. 

Qu’est-ce que le droit à la déconnexion? 

Prenons l’exemple de la France, où le droit à la déconnexion est décrit comme suit : “En dehors de ses heures de travail, tout salarié n’est pas tenu d’être en permanence joignable par son employeur pour des motifs liés à l’exécution de son travail. Dans le cadre du télétravail, mis en place de façon exceptionnelle ou non, le droit à la déconnexion s’applique également. Cependant, les modalités de ce droit doivent être prévues par l’entreprise. Instauré par la loi dite « Loi travail » du 8 août 2016, le droit à la déconnexion est en vigueur depuis le 1er janvier 2017. Il est consacré à l’article L. 2242-17 du Code du travail.

Le droit à la déconnexion vise à :

  • Assurer le respect des temps de repos et de congés
  • Garantir l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale
  • Protéger la santé des salariés.

En pratique, ça veut dire que vous pouvez : 

  • Ne pas répondre aux courriels ou à des appels en dehors de vos heures de travail
  • Mettre en veille des serveurs informatiques
  • Activer des messages d’absence et de réorientation
  • Déterminer vos horaires de travail en télétravail

Quelle est la situation actuelle au Québec?

Le sujet préoccupe l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA) qui estime que le législateur français donne des droits et des garanties aux travailleurs afin qu’ils puissent exercer leur droit à la déconnexion. Ce qui n’est pas encore le cas de la Loi sur les normes du travail ainsi que d’autres dispositions qui prévoient plusieurs droits des salariés et obligations des employeurs concernant le temps de repos et le temps consacré aux obligations familiales.

Actuellement, il n’y a pas de cadre juridique qui encadre le droit à la déconnexion, même si le parti Québec Solidaire a introduit la question du droit à la déconnexion par l’entremise d’un projet de loi déposé à l’Assemblée nationale. Cette loi n’est pas adoptée ni en vigueur. Le parti est le premier employeur a intégré dans sa convention collective le droit à la déconnexion.

Le projet de loi a en résumé introduit l’obligation aux employeurs de se doter d’une politique en matière de droit à la déconnexion. Le ministère du Travail est lui responsable de l’application de cette loi et la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST) est responsable de l’approbation de ces politiques.

Comme nous le disions précédemment, le Québec doit se préparer à une demande croissante de l’application de politiques permettant aux salariés d’avoir le droit de “se débrancher” à la fin de leur journée. Nous le savons tous, le télétravail a augmenté le stress de certains employés. Souvent, les messageries électroniques du travail sont jumelées à la messagerie personnelle, ce qui engendre des notifications, des messages et des courriels qui peuvent interférer avec la vie de famille.

Une loi pour protéger contre l’hyperconnectivité? 

La pandémie n’aide pas au maintien de la santé mentale, le télétravail non plus. L’incursion du travail dans nos domiciles rend plus facile ce sentiment d’être hyperconnecté. Entre écrans d’ordinateur, de cellulaire, de téléviseur et autres tablettes, nous devenons prisonniers des cristaux liquides.

De ce fait, nous devons nous fixer des limites entre le temps de travail ou de télétravail et le temps pour les autres occupations. Le télétravail peut devenir un piège dans la mesure où il n’existe plus de frontières entre l’espace de travail et l’espace de vie ou de loisirs. Il n’existe pas non plus de limitation de temps. Les bureaux ne ferment pas et vous n’avez plus à vous déplacer pour aller travailler.

Tous ces points qui peuvent paraître avantageux peuvent se transformer en pièges et en sources de stress. Si on ne se dit pas que nous devons finir notre travail à une heure précise, on ne décroche jamais du travail. À trop vouloir bien faire, le risque de l’épuisement professionnel peut nous guetter au tournant.

Un droit à la déconnexion pourrait renforcer la position des salariés et les protéger quant à leur besoin de se consacrer à d’autres tâches en dehors des heures de travail. On en parlera de plus en plus, à mesure que le télétravail et le travail partagé entre maison et bureau continueront d’augmenter.

Un droit pour protéger la santé mentale des salariés

Des études montrent que 73% des télétravailleurs au Canada déclarent avoir des symptômes d’épuisement professionnel. Ce sentiment est encore plus présent chez les 18-25 ans avec 80% des répondants.

Ajouté à cela la fatigue des réunions virtuelles et tous les méfaits des écrans, l’année 2020 a été celle de tous les défis. Garder son emploi au début de la pandémie était un exploit, s’y sentir bien devient un nouveau défi.

Même s’il existe des astuces pour pouvoir décrocher du travail, personne ne veut être dérangé par des notifications et des courriels après avoir fini son travail. De ce fait, un cadre légal devient une nécessité pour bon nombre de travailleurs.

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