Artiste indépendant ou artiste auto-entrepreneur?

Tradition bien française qui consiste à rajouter au mille-feuilles administratif une couche supplémentaire, le statut d'auto-entrepreneur ajoute en effet à la confusion déjà bien présente dans les messages que je reçois. En effet, dans la liste des activités libérales relevant de la CIPAV (et dont un imminent décret d'application permettra à ces activités d'entrer dans le champ d'application du statut d'auto-entrepeneur) on y trouve notamment  les activités suivantes: caricaturiste, céramiste, créateur d'art, designer, ...  Or, certaines de ces activités permettent pourtant à leurs auteurs de prétendre au régime des artistes indépendants. Quelques précisions s'imposaient donc.

Je vous rappelle que si vous exercez une activité à caractère artistique, celle-ci ne vous permet pas de bénéficier automatiquement du régime social des Artistes indépendants, (Maison des Artistes pour les plasticiens, Agessa pour les oeuvres intellectuelles). Les activtés et disciplines permettant de bénéficier de ce régime social sont définies par le Code des Impôts (Article 98 de l'Annexe III), et même si vous déplorez le caractère restrictif de cette nomenclature, c'est ainsi, je n'y peux rien.  Avant de vous précipiter sur le statut d'auto-entrepreneur, je vous invite à vérifier que votre activité ne relève effectivement  pas du régime des artistes indépendants (plus avantageux). Concrètement, il s'agit des activités suivantes:

Pour les arts plastiques:

  • Peinture et dessin entrièrement exécutés à la main. Sont exclus néanmoins les dessins obtenus par des procédés mécaniques, à l’aide de caches ou de pochoirs, les dessins d’architectes, d’ingénieurs et autres dessins industriels, les dessins originaux de mode ou d’accessoires, de bijouterie, de carrosserie automobile, d’éléments de mobilier ou d’objets, des articles manufacturés décorés à la main (objets ou articles peints ou décorés : par exemple boites, vases, foulards, coussins…).

  • Maquettes de dessins originaux pour le textile, le papier, les arts de la table. Ceci inclus: la création de maquettes de dessins, de motifs, de décorations, de cahiers de tendances et de leurs déclinaisons (gammes de couleurs, motifs placés…) destinées à être éditées par des éditeurs dans le domaine du tissus, du papier, des arts de la table. Sont exclus:des croquis de modèles de vêtements, des dessins de modèles d’objets, d’accessoires pour le domaine de la mode, de la décoration, c’est-à-dire de la conception d’articles, d’objets ou d’accessoires utilitaires ayant vocation à être utilisés au regard de leur fonction.

  • Gravures, estampes, lithographies. Elles doivent être tirées en nombre limité, selon les usages de la profession (quelques centaines de tirages), d’une ou de plusieurs planches entièrement exécutées à la main par l’artiste, quelle que soit la technique ou la matière employée. Sont exclues les réalisations obtenues par un procédé mécanique ou photomécanique, même si elles sont numérotées et signées.

  • Sculptures. Il s'agit de productions originales de la sculpture en toutes matières exécutées entièrement par l’artiste ou sous sa direction, fontes de sculptures dont le tirage est limité à 8 exemplaires contrôlé par l’artiste ou ses ayants droit + 4 tirages dits «d’artistes». Sont exlcus: les moules pour fontes, des productions artisanales ou de série, des articles de bijouterie, de joaillerie ou d’orfèvrerie.

  • Réalisations de plasticien: installations, art vidéo, performances pouvant faire appel conjointement à différentes disciplines (sculpture, peinture, photographie, musique, langage, scénographie…) et mettant en évidence la prépondérance d’une démarche plastique créatrice.

  • Tapisseries et textiles muraux: Faits à la main, sur la base de cartons originaux fournis par les artistes à condition qu’il n’existe pas plus de 8 exemplaires de chacun d’eux. Sont exclus: les articles confectionnés au moyen de tapisseries (sacs, coussins…).

  • Maquettes de fresques, trompe-l’œil, décorations murales, mosaïques, vitraux dont la réalisation est effectuée par l’artiste ou sous sa direction. Sont exclus: les travaux d’ornementation tels que les patines, fausses matières, dorure…

  • Créations graphiques destinées à transmettre un message visuel dans tous les domaines de la vie économique, sociale et culturelle pour tous modes de diffusion (presse, publicité, édition, audiovisuel, multimédia…), quels que soient les outils ou technologies mis en oeuvre : utilisation ou non de l’informatique (palette graphique, logiciel d’animation…). L’ensemble des opérations concourant à l’exécution de la maquette finalisée (jusqu’au bon à tirer), soit recherches et premiers projets, mise au point, réalisation technique, est pris en compte dans le cadre de l’activité d’artiste auteur. Concernant la réalisation technique, il s’agit de l’exécution des documents nécessaires à la réalisation de l’œuvre, à sa reproduction ou à sa diffusion, soit : participation aux prises de vues utiles à la réalisation de l’œuvre, fournitures telles que documents d’illustrations ou documents d’archives, suivi de réalisation : contrôle de la réalisation technique de la création, fourniture de films, fourniture de fichiers numérique : disquettes, cartouches magnétiques ou optiques, CD ROM… Sont exclues: les activités de graphiste qui incluent des prestations techniques relevant du domaine de la production commerciale en vue de la livraison d’un produit fini sous la forme d’exemplaires multiples (travaux d’impression par exemple) et les travaux limités à l’exécution graphique correspondant à une simple mise en œuvre de techniques :
    - composition mécanique non originale,
    - calibrage de textes,
    - exécution de mises en page,
    - cadrage de documents photographiques,
    - croquis techniques,
    - dessin industriel,
    - courbes et graphiques,
    - plans, coupes, élévations,
    - exécutions photomécaniques,
    - cartographies et relevés topographiques
    .

  • Créations uniques de céramique, émaux sur cuivre: exemplaires uniques de céramique, entièrement exécutés à la main par l’artiste et signé par lui et émaux sur cuivre, entièrement exécutés à la main dans la limite de 8 exemplaires numérotés et comportant la signature de l’artiste. Sont exclus les articles de bijouterie, d’orfèvrerie, de joaillerie et des pièces utilitaires par nature ou fabriquées à l’unité mais ne différant les unes des autres que par des détails.

Pour les auteurs et les compositeurs:

  • Auteurs de livres, brochures et autres écrits littéraires et scientifiques (ce qui exclut les textes à caractère publicitaire ou promotionnel et de communication) ;

  • Auteurs de traductions, adaptations et illustrations des oeuvres précitées ;

  • Auteurs d'oeuvres dramatiques et de mises en scène d'ouvrages dramatiques, lyriques et chorégraphiques ;

  • Auteurs d'oeuvres de même nature enregistrées sur un support matériel autre que l'écrit ou le livre (tel que disque, cassette, CD-Rom, réseau câblé), auxquels sont rattachés les auteurs de logiciels exerçant leur activité à titre indépendant.

  • Auteurs de compositions musicales avec ou sans paroles (compositeur, parolier, librettiste) ;

  • Auteurs d'oeuvres chorégraphiques et pantomimes.

  • Auteurs d'oeuvres cinématographiques, audiovisuelles (scénariste, adaptateur, dialoguiste, réalisateur, auteur de doublage et de sous-titrage) quels que soient les procédés d'enregistrement  et de diffusion ;

  • Auteurs réalisateurs d'oeuvres "multimédia" exerçant leur activité à titre indépendant.

  • Auteurs d'oeuvres photographiques ou d'oeuvres réalisées à l'aide de techniques analogues à la photographie (hormis les travaux réalisés pour des particuliers et qui ne donnent pas lieu à diffusion et/ou exploitation commerciale, telles les photos ''de famille'').

Toutefois, le fait de relever du régime des artistes auteurs au titre d'une activité de création n'implique pas que la totalité de la rémunération soit déclarée à l'AGESSA, la part des travaux techniques d'exécution pouvant relever du salariat, soit en raison d'une présomption de contrat de travail édictée par le code du travail, soit en raison des conditions de fait d'exercice de l'activité qui révèlent un lien de subordination avec le donneur d'ouvrage (exemples : réalisateur de films, metteur en scène, réalisateur d'oeuvres multimédia).

Vous l'aurez compris, l'activité seule ne détermine pas le bénéfice du regime social des artistes indépendants, mais la façon dont elle est exercée est également prise en compte. 

Si votre activité ou la façon dont vous l'exercez répond aux critères de la MDA ou de l'AGESSA, n'hésitez pas à opter pour le statut d'artiste indépendant. Si ce n'est pas le cas, votre activité relève soit de la Chambre des Métiers et de l'Artisanat ou de l'URSSAF. Dans ce cas vous pouvez alors opter pour le statut d'auto-entrepreneur, à condition toutefois de remplir les conditions pour bénéficier du régime fiscal de la micro-entreprise (CA annuel inférieur à 80 K€ pour les activités de vente et 32 K€ pour les prestations de service). Mais une fois de plus, je ne saurais trop vous conseiller de réfléchir à la façon dont vous comptez développer votre activité avant de choisir le statut d'auto-entrepreneur.