Round 3 : On relève la tête et on y retourne!

batterie-critique

Ca y est, après plusieurs mois je me décide à reprendre l'écriture de mon témoignage. Comme je vous l'ai dit ce n'est pas chose simple car cela me demande vraiment de me replonger dans une des pires périodes de ma vie. Ce que j'avais vécu n'était encore rien comparé à ce que j'allais traverser...
Je vous avais donc laissé à mon tout premier RDV avec un psy en mai 2013...

RDV avec un psy, difficile à accepter... Je me suis demandée toute la journée de quoi j'allais bien pouvoir lui parler et ce qu'il allait me dire. Je devais reprendre dans deux jours et, malgré l'aide de ma tutrice et de la responsable de formation, j'étais incapable de préparer la classe, incapable de me projeter sur cette reprise, tout semblait flou et noir. Il allait pourtant falloir s'y remettre car je débutais en maternelle et je devais me faire inspecter à la fin du mois... Angoissant mais d'un autre côté je me sentais comme détachée de tout ça, très loin...
J'ai raconté tout ce que je vous ai dit au psychiatre lors de ce RDV. Celui-ci a également cherché à en savoir plus sur ma vie : est-ce que j'étais entourée? En couple? Quels loisirs? Avais-je vécu d'autres moments comme celui-ci? Quel genre d'élève et étudiante avais-je été? Comment est-ce que j'envisageais mon retour en classe?
Le constat était rapide... Avec le recul, et quand on se renseigne sur le burn-out, cela semblait évident, mais c'était beaucoup moins net dans ma tête. Quel constat? Tout simplement que j'avais laissé ma vie sur le bord de la route pour me consacrer entièrement au travail! Je me suis rendue compte que je ne savais même plus ce qui pouvait me faire plaisir, ce que j'aimais, tous mes loisirs avaient été abandonnés... et il semblait même que certains d'entre eux étaient encore trop stricts (par exemple la danse classique). La solution était "simple", et c'est, je le pense, ce que chaque personne victime d'un burn-out a entendu : il faut réapprendre à vivre! Il faut voir du monde, se récréer une vie sociale, trouver des loisirs, des choses qui peuvent nous faire plaisir... Ne surtout plus penser au travail! 
Cela vous semble peut-être bête dit comme ça... pourtant lorsque l'on a passé son temps à bosser et que tout s'arrête, on se rend compte à quel point on a pu s'oublier! On se send perdu. J'avais passé ces dernières années à me réfugier dans le travail et là cela ne fonctionnait plus car je n'étais plus capable de travailler! Même si je le voulais, mon cerveau se déconnectait! Quelle frustration! 
Après m'avoir aidée à ouvrir un peu les yeux, le psy lance le pavé dans la mare : arrêt de travail jusqu'à la rentrée de septembre. Panique totale! Un arrêt de 2 mois! Mon année était sans doute déjà probablement râpée vu mon quota de jours d'absence... mais là c'était sûr et certain : mon parcours s'arrêtait là, je ne serai pas titularisée pour cette année 2012-2013. Moi! Celle qui avait toujours tout réussi d'un coup!
Je demandais au psy si c'était vraiment nécessaire de m'arrêter aussi longtemps, j'en avais les larmes aux yeux! Il était très clair : reprenez dans deux jours et vous allez partir droit dans le mur.
Je me sentais totalement perdue, je pleurais en sortant du cabinet, j'étais prête à mettre cet arrêt dans la première poubelle venue! Oui je n'arrivais pas à me remettre au travail mais peut-être qu'en me forçant un peu... Peut-être que j'y mettais de la mauvaise volonté... Peut-être qu'une fois en classe ça irait mieux... et qu'allait-il se passer si je ne reprenais pas? Pouvaient-ils me licencier en disant que j'étais "trop fragile" pour ce métier?
Ne sachant plus quoi faire, je décidais d'appeler ma tutrice une fois rentrée pour lui demander son avis. Cette dernière a été très à l'écoute. J'en étais même étonnée! Pourquoi n'avait-elle pas été comme ça dès le départ? Pourquoi semblaient-ils tous avoir attendu que je rentre dans le mur pour me prendre au sérieux?
Ma tutrice me conseillait de prendre cet arrêt. Non ils ne pouvaient pas me licencier, non ils n'avaient pas à savoir pourquoi j'étais arrêtée, je serai prolongée et voilà tout! Je me sentais un peu rassurée mais quand même très frustrée. J'avais l'impression d'être handicapée... et oui, le burn out est bien un handicap pour moi!


Une fois l'étape de l'arrêt franchie et "acceptée" (car on ne l'accepte jamais vraiment...), il était temps de reprendre ma vie en main! Je ne savais pas par où commencer... J'étais face à une page blanche! Que faut-il faire pour se sentir mieux?
La première chose a été de mettre tout ce qui avait un rapport avec le travail de côté : on ramasse toutes les affaires de classe, on arrête de trainer sur les sites et forums d'enseignants, on évite de parler d'enseignement, on évite de parler avec des enseignants!
La deuxième chose? Arranger mon appartement pour m'y sentir mieux. Cela faisait 8 mois que j'étais arrivée dans la précipitation, je n'avais pas eu le temps de bien aménager mon chez moi, j'avais récupéré des affaires et meubles à droite à gauche... Je ne me sentais toujours pas chez moi. J'ai donc commencé à faire le grand ménage de printemps, réaménager, investir dans de nouvelles choses... et je me suis lancée dans le relooking de mes meubles. C'est parti, on nettoie, on ponce, on peint... On change tout et ça faisait du bien!
La troisième chose : on change aussi sa mentalité! Nettoyage de printemps dans sa propre tête avant tout! Début d'un long travail personnel... Pour commencer, il fallait que je pense un peu plus à moi et un peu moins aux autres et ce qu'ils pouvaient penser. Pourquoi se forcer à faire quelque chose qu'on ne veut pas ou qu'on n'aime pas? Bon j'allais quand même devoir le faire un minimum... Oui car à force de s'enfoncer dans le boulot on devient un véritable ermite... Là il allait falloir sortir, voir du monde, chose que je ne savais plus vraiment faire ou alors sous la contrainte! Ce qui est aussi difficile avec tout ça, c'est que vous avez honte de votre situation et vous enviez les autres! Vous êtes en arrêt, vous vous sentez comme une loque, vide car vous n'avez plus de vie sociale et de loisirs, sous médicaments... Quel échec! Vous voyez les autres continuer leur vie, aller au travail, voir leurs amis, pratiquer des loisirs... et vous vous sentez étranger à tout ça! C'est un peu comme si vous étiez spectateur, vous êtes assis sur votre fauteuil, immobile, en train de regarder la vie! Vous avez l'impression qu'il y a une barrière, une fenêtre, un écran... qui vous sépare du reste. Vous êtes même devenu étranger à vous-même! Si si c'est possible, pas besoin d'être fou pour ça! Il suffit de s'être oublié... Les voilà les questions que vous vous posez : qui je suis? Qu'est-ce que j'aime faire? Comment est-ce que je peux me faire plaisir? De quoi dois-je me protéger? Et comment?
Une chose dont vous vous rendez compte, et qu'il faut essayer de changer tout de suite, c'est que vous reproduisez le même schéma pour tout! C'est comme si vous aviez été programmé pour obtenir toujours les meilleures performances! Je vous parlais du relooking de mes meubles... Oui ça me plaisait... MAIS je commençais tôt le matin et je ne m'arrêtais que lorsque j'avais fini ce que j'avais à faire! Il m'est arrivé de rester faire ça jusqu'à 23h-minuit! Je voulais que ce soit parfait, sans défaut, réussi! En plus pendant ce temps-là je ne pensais à rien évidemment... Impossible de rester inactive sinon toutes les mauvaises pensées remontaient! Et c'était comme ça pour tout, TOUT! 
Se relever du burn out c'est aussi ça... Apprendre à déprogrammer la machine, accepter que tout ne soit pas parfait, accepter de ne pas être parfait... J'allais aussi vite m'apercevoir que je ne pourrai pas fuir éternellement mes problèmes en m'occupant constamment l'esprit... Un jour ou l'autre vous êtes obligé d'affronter tous vos soucis, c'est une étape nécessaire à la reconstruction. Voilà à quoi allait être consacré tout mon été.

Et côté travail? Il faut bien en parler un peu! J'allais bénéficier d'un poste protégé, réservé aux T1, pour la rentrée suivante. J'avais su courant mai où j'étais affectée : j'étais nommée sur une école pas très loin de chez moi, dans une classe de TPS/PS/MS. J'étais satisfaite! Il était difficile de résister à mes démons... Eh oui, en tant que bourreau du travail, qu'avez-vous envie de faire une fois que vous savez où vous allez aller hein? A votre avis? Eh bien moi j'avais envie d'acheter des tas de bouquins et manuels pour la maternelle, de lancer plein de recherches, de me préparer pour cette rentrée... De travailler pour réussir là où j'avais échoué... Mauvaise idée! Il fallait résister! Au moins jusqu'au mois d'août... Oui c'était le "contrat" (contrat... encore une chose bien cadrée!). 
Je suis juste allée découvrir ma future école avant les vacances d'été et passer les commandes pour la classe. J'essayais de rester évasive sur les raisons de mon arrêt face à la nouvelle équipe. Je me sentais mal, pas à ma place, je ne pouvais m'empêcher de me dire que je n'étais pas un cadeau pour cette école! D'un côté j'étais effrayée par tout ça et de l'autre j'avais envie d'y retourner... Encore une chose qui peut caractériser le burn-out : vous avez envie de faire les choses mais vous n'y arrivez pas, il y a quelque chose, vous ne savez pas quoi, qui fait barrage. Quand on y réfléchit un peu on se dit que c'est comme si votre corps, votre physique qui a tant souffert, gardait en mémoire tout ce que vous lui avez fait endurer et était complètement traumatisé. Votre esprit le veut mais votre corps vous dit "stop!".
La reconstruction n'est pas chose facile... Même si j'étais en arrêt, rassurée sur mon poste pour la rentrée, "occupée à me faire plaisir" (comme un devoir qu'on m'aurait donné...), je me sentais toujours mal. J'étais épuisée, vidée, honteuse, je faisais des cauchemars toutes les nuits... Je dormais très mal... 
Deuxième RDV chez le psy, solution? Augmenter la dose d'antidépresseurs... C'était parti pour la ronde infernale des médicaments. Je trouvais ça con! Je me disais que ce n'était pas ça qui allait me sauver... Même si c'est une béquille qui me permettait de sortir du lit le matin, ça n'allait pas résoudre le problème. Avec ça il fallait aussi supporter les effets secondaires... J'étais totalement "speed" les premières semaines. J'avais l'esprit qui tournait en continu! Je ne m'arrêtais jamais, je ne tenais pas en place! Chaque moment de vide était angoissant, le sommeil était une corvée, une perte de temps...

Kity K