Que faut-il faire pour être entendu?

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Dites-moi, que faut-il faire pour être entendu?
Dites-moi, que faut-il faire pour être pris au sérieux?
Dites-moi, que faut-il faire pour que quelqu'un nous aide enfin?
Faut-il attendre qu'il soit trop tard?
Dites-moi, moi je ne sais plus.

Je ne voulais pas aller trop loin en créant ce blog. Je ne voulais pas donner trop de détails. Je ne voulais pas qu'il s'apparente à un blog d'ado rebelle en pleine crise identitaire. Je voulais rester la plus objective possible. Je voulais, je pensais, pouvoir apporter de l'espoir... Mais cet espoir s'est évanoui. Je voulais montrer la souffrance des débutants et autre au sein  de l'EN... Un mot que je n'ai même plus envie d'écrire, un mot auquel je ne veux même plus mettre de majuscules tant il me dégoûte. Je voulais essayer de rassembler les personnes en souffrance, je voulais que l'on puisse s'entraider... Quelle naïveté. Je pensais parler uniquement du travail... Sans pour autant cracher dessus en continu car oui, même si ça me tue de le dire, il n'y a pas que du négatif dans ce métier. Le but n'est pas d'en dresser un sombre portrait. J'espérais que les gens se joignent à nous, à part quelques exceptions que je remercie, ça n'a pas fonctionné.
Dans l'EN on ne parle pas, ça fait tâche. On aime notre métier, on est gaga avec sa classe, on est super motivé, on bosse comme des acharnés, voit des compétences et objectifs partout, pense à de nouveaux projets... On n'est même plus un humain on est un prof, on vit en prof, on parle prof, on mange prof, on lit prof, on dort prof... Et si vous avez le malheur de vous sentir mal ou à part, le malheur de parler de vos doutes, le malheur d'être honnête sur cette souffrance, vous devenez le chien galeux, le vilain petit canard qui n'a rien à faire dans cette belle famille de profs. Non les profs ne sont pas exemplaires... Certains vous aideront, mais d'autres vous verrons plus comme des cas sociaux, des fous, qu'autre chose... Alors on se tait. Quant à témoigner, tout doit se faire sous anonymat, chaque mot doit être pesé, de peur qu'on remarque votre situation particulière et vous reconnaisse.
Certains n'ont que ça à foutre : décortiquer votre vie. Vous n'avez pas le droit aux faux pas, il faut être parfait, être un modèle (pendant que des parents ont un langage ordurier face à leurs enfants, picolent, les collent devant la TV ou les jeux vidéos pour avoir la paix, ne savent pas leur poser des limites, les éduquer un minimum correctement, leur apprendre les règles de savoir vivre... mais ça ce n'est pas un problème c'est devenu le boulot du prof).
Non, nous on n'a pas le droit d'être humain comme les autres et de crier notre colère et notre souffrance. Nous sommes obligés de nous blinder, de tout faire pour brouiller les pistes... Hiérarchie, parents, élèves, ne se gêneront pas pour chercher à tout savoir et foutre leur nez de sale fouine dans notre vie pour aller ensuite crier sur les toits que le prof a des sentiments, des failles et est finalement un humain comme les autres. Quand certains ne se gênent pas pour imprimer/rapporter tout ce qu'ils auront vu, tou ce que vous aurez pu dire, même s'il s'agissait juste de propos modérés disant que vous vous sentez mal à cause de votre affectation, pour envoyer tout ça à votre cher IEN.

Alors que faut-il faire pour être entendu? Serons-nous entendue un jour? Trouverons-nous une aide un jour? Jusque là je pense que ce blog était modéré, mais ça ne donne rien. Je n'ai plus la force de continuer dans cette optique. Alors que faut-il que je fasse... Vous parler des tribulations des profs dépressifs? Vous expliquer ce qu'est la vie d'un prof au fond du gouffre, broyé par son administration? Faire un dessin sur ce qu'est le burn out? La dépression? Le désespoir? Expliquer tout ça en espérant être entendue? J'en sais rien. J'ai la haine.
Je ne sais pas si les gens témoigneront. Des tas de messages pour demander si quelqu'un veut nous rejoindre, des groupes d'entraide auxquels je n'ai même plus envie de participer... Je gère tout ça seule et c'est fatigant, c'est démotivant. Je ne sais pas si Sammy voudra continuer. Je ne sais pas si ce blog continuera.

Vous voulez savoir concrètement à quoi ressemble ma vie en ce moment? Où j'en suis à cause de ce foutu boulot?

J'ai eu le droit à l'hospitalisation et m'aprête probablement à prendre un nouveau ticket d'entrée pour retourner chez les fous comme on dit... Cependant je me rappelle d'une phrase qu'un autre patient m'avait dit en clinique : les fous ne sont pas ici, ils sont dehors.
Je passe mes jours à chercher des solutions, à attendre des nouvelles de l'IA qui n'arrivent pas. Je contacte les associations, organismes ou je ne sais quoi qui pourraient être susceptibles de m'aider... mais non, rien, aucune aide. On me renvoit vers le médecin de prévention, pourquoi? Pour que je lui raconte les choses telles qu'elles sont, ce que l'on me conseille, pour finir par être déclarée inapte? Pour me faire virer? Je ne sais plus vers qui me tourner.
On me parle de reconversion. Je suis en couple mais seule à avoir des revenus, expliquez-moi comment faire dans ce cas?
Le temps passe et c'est de plus en plus dur. Je ne supporte plus d'entendre les cris des enfants de l'école à côté, de voir les reportages sur l'école, de voir les publications sur l'école, d'entendre parler de Mme la ministre incompétente, d'être avec des enfants, de m'occuper des groupes que j'ai moi-même crée dans le but d'aider et de changer les idées des autres, de parler avec des profs... ces profs si parfaits et heureux dans leur travail... Je ne parle qu'avec Sammy et une autre amie qui ne veut pas témoigner... Nous sommes toutes les trois dans un état pitoyable, nous ne voyons plus l'avenir, nous avons des idées noires et nous nous sentons comme des merdes... non, des sous-merdes dans cette institution. Nous avons beau chercher et personne n'est là pour nous aider. Nous avons perdu beaucoup de gens, car pour le français moyen les dépressifs sont des plaies qu'il faut éviter. Notre plus grand rêve serait de quitter cette prison, ce boulot qui nous tue, partir loin de tous ces gens qui nous ont fait tellement de mal.

J'ai fait 4 tentatives de suicide, je dis 4 car à ces moments je souhaitais vraiment mourir, le compte exact étant 6... sur un an et demi. J'en ai parlé à certaines personnes en lien avec le boulot qui n'ont pas l'air plus choqués que ça. Alors comment obtenir de l'aide après ça? Faut-il attendre d'être dans la tombe pour qu'on se dise "on aurait dû..."?
A quoi ressemble ma vie... hier j'ai encore appelé une de ces associations ou je ne sais comment on appelle ça... Je ne citerai pas le nom mais ils sont connus dans l'EN. Je comptais sur eux pour m'aiguiller, j'avais espoir... J'ai craqué au téléphonne, non aucune aide... si, médecin du travail, encore une fois. Je lui dis quoi au médecin? Je mens comme je l'ai fait la première fois, je modère pour qu'il ne panique pas? Ou je lui dis que j'en suis a 4 TDS pour qu'il me déclare inapte?

A quoi ressemble ma vie... A quoi ressemble ma vie en ce moment... Tout est corvée, je n'ai envie de rien, je passe des nuits affreuses. Je garde la face devant mon copain de peur qu'il me quitte... Au fond je n'ai envie que de pleurer, me faire du mal, m'exploser la tête, faire le vide, disparaitre. Je ne vois plus l'avenir. Je suis dans un cauchemar et je ne sais pas comment en sortir. J'ai tout essayé, tout. 
J'ai arrêté les antidépresseurs, de toute manière je ne sais pas s'ils servent à quelque chose. Je suis sous anxiolytiques, des anxiolytiques que je surdose et qui ne me font rien. Je ne peux pas avoir de médicaments à portée car je n'ai qu'une envie c'est de me défoncer la tête avec. Hier j'ai craqué... Grosse crise d'angoisse, seule. Je suis allée chercher ma boite d'anxio avant hier (oui car on ne me les délivre plus que par boite maintenant). La boite était pleine. Je sais que ce n'est pas suffisant pour se foutre en l'air mais peu importe, j'ai avalé la boite entière. 30 comprimés et je tenais encore debout, je me sens juste fatiguée, c'est tout. J'ai des envies de me scarifier, j'ai du mal à y résister. Je ne supporte plus cette souffrance, je ne supporte plus de faire semblant, je ne supporte plus d'être un boulet pour les autres, je ne me suppote plus.

Je suis toujours en train de me demander si et quand je reprendrai le travail. Je n'en ai aucune idée. Je passe mes journées à dormir, jouer à des jeux, "m'occuper" de mes animaux et je fume, je fume, je fume. Je n'ai plus rien à foutre de mon apparence, plus rien à foutre de moi, le peu que je fais je le fais uniquement pour mon copain.

Voilà à quoi ressemble ma vie.

Pas envie de me relire, alors encore une fois tant pis s'il y a des fautes, venant d'une prof râtée ça ne devrait pas vous étonner.